Cet ensemble relate les grandes heures du pays, de la Révolution au premier Empire puis à la Restauration, rappelant le rôle crucial des grands officiers dans la construction de la nation.
Provenant en ligne directe de la famille, les objets et les œuvres proposés dans cette vacation voient se croiser deux grandes figures de la France révolutionnaire et impériale, au parcours comparable, mais à l’issue bien opposée : Gabriel Molitor (1770-1849), mort avec les hommages de la nation, enterré aux Invalides, et le maréchal Michel Ney (1769-1815), victime de la seconde Terreur blanche, fusillé sous le commandement de Rochechouart. Louise Molitor (1805-1852), fille de Gabriel, prend pour époux Michel-Auguste Monnier (1801-1864), fils de la sœur du maréchal Ney, Marguerite (1772-1855). C’est dans leur descendance qu’ont été conservés les souvenirs de prestige prochainement mis en vente à Morlaix, précieux témoins, notamment, de l’Empire, des plus grandes heures à sa chute. Au palais des beaux-arts de Lille, il semble ne s’être qu’assoupi, la tête posée sur son oreiller : Molitor sur son lit de mort, par Isidore Pils, est en uniforme de maréchal, le grand cordon de la Légion d’honneur ceignant son buste, la grand-croix arborée sur sa poitrine. L’huile est exécutée au palais de la Légion d’honneur, le 31 juillet 1849, soit trois jours après la mort de Gabriel Molitor. Ce dernier hommage est celui porté à un vaillant officier, fidèle à la nation en cette trouble première moitié du XIXe siècle. Si cette plaque de la grand-croix de l’ordre de la Légion d’honneur est le modèle de 1830, aux couleurs de la cocarde tricolore (3 000/4 000€ pour cet exemplaire de la monarchie de Juillet), la grand-croix elle-même (3 000/4 000 € pour un modèle, aux lys, de 1815) lui avait été décernée en janvier 1815.
Le volontaire Molitor
Huit ans plus tard, le 8 octobre 1823, il est nommé maréchal de France. Il porte, sur ce portrait post mortem, la paire d’épaulettes aux insignes des maréchaux, en or émaillé bleu et doré (4 000/6 000 €), aboutissement d’une carrière fulgurante, débutée en 1791 lorsque le jeune homme, fils de militaire, s’enrôle dans le 4e bataillon de volontaires de son département. Félicité par le Directoire pour avoir tenu tête aux Autrichiens et aux Russes en Suisse, sous les ordres de Masséna, il connaît son heure de gloire lors des campagnes de Napoléon Ier, notamment au cours de la bataille de Wagram. En 1806, il est nommé chevalier de l’ordre de la Réunion du royaume de Hollande : l’étoile en or figure, autour du trône impérial, les symboles des États et royaumes annexés à l’Empire (1 000/2 000 €). Sept ans plus tard, il est décoré de la grand-croix du même ordre (20 000/30 000€), une pièce rare puisque ces bijoux furent en grande partie fondus à la Caisse de la monnaie de Paris en 1817 après la chute de Napoléon.
Clémence royale
Ses hauts faits militaires sont immortalisés dans une huile sur toile, probablement l’œuvre d’un peintre français au cours de ces années 1820. Le général y pose en uniforme, avec son chapeau d’officier garni de plumetis blanc, à l’occasion de la bataille de Campillo-de-Arenas, en juillet 1823 (4 000/6 000 €). Ce sont ces succès qui le font élever à la dignité de maréchal de France le 9 octobre 1823 et lui ouvrent la porte de la Chambre des pairs. Le 6 octobre 1847, deux ans avant sa mort, il est nommé gouverneur des Invalides. Un presse-papiers en pierre, gainé de maroquin ciré vert foncé et rouge écarlate (100/200 €), atteste de cette prestigieuse fonction. Il porte, en effet, une inscription manuscrite, à l’encre quelque peu effacée, mentionnant les mots «appartenu», «Molitor», «gouverneur». Gabriel Molitor quitte ce poste en décembre 1848 pour occuper celui de grand chancelier de la Légion d’honneur. Il meurt à Paris le 28 juillet 1849 et repose aux Invalides, sous la cinquième arcade du tombeau des gouverneurs. Son petit-fils, Frédéric Monnier (1834-1883), n’a alors que 15 ans, mais il s’apprête probablement déjà à mener une carrière à l’image de sa prestigieuse ascendance. Ses uniformes, grandes et petites tenues de maître des requêtes au Conseil d’État (400/800 € chacun), sont également dispersés ainsi que sa croix de chevalier de première classe de l’ordre de Frédéric de Wurtemberg, un modèle de 1856 (800/1 000 €) et son étoile de chevalier de Léopold de Belgique (200/300 €).
La chute du prince de la Moskowa
Immortalisé, fusil en mains, par un bronze du sculpteur lorrain Charles Pêtre (1828-1907) sur un socle en marbre vert de mer (4 000/6 000 €), le maréchal Michel Ney reste, pour la postérité, associé à la campagne de Russie. Ses actions héroïques aux batailles de Smolensk et de la Moskowa où, en première ligne, il est grièvement blessé, lui vaudront en 1813 le titre de prince de la Moskowa. Sa vie et sa carrière fulgurante, brutalement écourtée, sont détaillées dans un ensemble d’ouvrages qui lui sont consacrés (100/150 € le lot), comprenant, notamment, les documents de son procès, l’instruction préparatoire et la première procédure (74 pages brochées, Paris, 1815). Grande figure des guerres de la Révolution mais surtout de celles napoléoniennes, Ney ne bénéficiera pas de la même clémence de la part des Bourbons que Molitor. Il fut pourtant l’un des premiers maréchaux à abandonner l’Empereur après le traité de Paris du 30 mai 1814. Un ralliement apprécié de Louis XVIII – il le fit même commandant en chef de la cavalerie de France – suivi d’une trahison, lors du retour du Petit Caporal durant les Cent-Jours, que le monarque ne lui pardonnera pas. Le nom du maréchal est sur la liste des traîtres que Fouché remet au souverain à l’été 1815. Ney est arrêté le 3 août au château de Bessonies. Dans l’inventaire de ses possessions au moment de son arrestation, contresigné de sa main et conservé aux Archives nationales, figure une tabatière en or. Le récit du jour de son exécution, le 7 décembre 1815, mentionne une lettre remise au curé à l’attention de son beau-frère, Jean-Claude Monnier, ainsi qu’une tabatière transmise – selon les sources – soit à la maréchale, Aglaé Ney, venue visiter son mari avec ses quatre enfants, soit au prêtre avec la lettre, à l’attention ou de sa femme ou de son beau-frère. Or, parmi les souvenirs de la famille, se trouve une tabatière en or dans laquelle a été déposée une note manuscrite postérieure, indiquant qu’il s’agit de ce fameux objet vu entre les mains du maréchal le jour de sa mort. Datée du premier Empire, la boîte porte les poinçons d’or «Paris 1798-1809» et ceux de l’orfèvre Louis Jean Baptiste Baraton (7 000/10 000 €). L’exécution du maréchal Ney est l’un des symboles de la fin de l’Empire, une chute ardemment souhaitée par Jean-Charles Monnier (1758-1816). Le buste de ce général de division, un travail français en terre cuite et plâtre patiné du XIXe siècle (500/800 €), recroise ici la route de Ney dont il avait voté, lors du procès, l’exécution. Ironie du sort, Monnier succombe à une crise d’apoplexie un mois seulement après la mise à mort du maréchal.