Il a traversé les millénaires pour devenir une star au XIXe siècle. Petit objet luxueux en pierre fine ou coquillage, le camée transcende le vêtement porté ou le mobilier précieux. Princes, rois ou empereurs ne s’y sont pas trompés.
Taillés sur des pierres fines, les camées sont, dès l’Antiquité, considérés comme des objets de luxe issus de la glyptique. L’habileté consiste à jouer des différentes strates colorées des pierres pour révéler des motifs et portraits nuancés, en relief et pleins de vie. L’époque médiévale les réemploie dans l’art religieux, attachant aux matériaux des vertus entachées de superstition, devenues croyances désuètes pour les amateurs éclairés de la Renaissance qui admirent plutôt la préciosité et le goût antique. Princes et rois commandent des camées à leur effigie et, à leur suite, chacun a voulu s’offrir ces élégants bijoux dont certains sont parfois insérés dans du mobilier précieux. Même si François Ier a favorisé l’installation d’un artisan véronais sur le bateau-moulin de la Gourdayne, à Paris, la taillerie n’a toutefois jamais été en mesure de concurrencer les ateliers vénitiens, florentins et romains qui ont déversé sur l’Europe leurs camées jusqu’à la fin du XIXe siècle.
Roses et rouges délicats
La difficulté de cet art et le prix conséquent de son support ont tôt fait d’encourager la recherche de nouveaux matériaux accessibles aux bourses plus modestes. Dès le XVe siècle, et davantage à partir du XVIIe, les tailleurs développent les camées coquilles, réalisés sur des coquillages dont les strates colorées apparaissent au prix d’efforts nettement moins considérables qu’il n’en faut pour les pierres : réjouissante constatation qui fait le bonheur aussi bien des artisans que de leurs clients. La coquille la plus appréciée est celle du Cassis madagascariensis, dont les strates rappellent celles de la sardoine et déploient, depuis une première couche extérieure blanchâtre, une large palette de roses et de rouges délicats jusqu’à l’orange-brun. Torre del Greco, près de Naples, est passé maître dans ce domaine dès le XVIIe siècle et a dominé le marché jusqu’à la fin du XIXe qui marque l’apogée des camées et le retour à l’antique multipliant ces petits objets majoritairement fabriqués en Italie. L’empereur Napoléon Ier est lui-même grand amateur de ces précieux bijoux que l’on peut admirer sur la couronne de son sacre. Le Journal des dames ne s’y trompe pas d’ailleurs, en affirmant, en 1805, qu’une « femme à la mode porte des camées à la ceinture, au collier, sur les bracelets et sur la tiare », selon l’exemple de Pauline Borghèse qui va jusqu’à en parer sa chevelure. Sous le second Empire, les camées dits « habillés » représentent des bustes de femmes rehaussés d’or ou de pierres précieuses. Camées de pierres dures, de coquilles et même de lave du Vésuve sont considérés comme véritables, à l’inverse des réalisations en biscuit (à la manière de Wedgwood), marbre, os, ambre ou verre. La sardonyx a de tout temps été préférée du fait de ses trois ou quatre couches distinctes – brune, blanche, noire et grise – offrant de merveilleuses nuances au tailleur. Ce dernier commence par dessiner le contour de son motif à la pointe de diamant puis le dégage à l’aide d’une pointe ou d’une scie préalablement enrobée d’un mordant (poudre d’émeri ou de diamant, grès du Levant) avant de procéder au polissage de la pierre. Le caractère plus friable de la coquille ne nécessite pas un tel travail, mais la qualité du camée en pâtit sur la durée : il n’est pas rare que, sur celui-ci, les lignes du motif soient aujourd’hui émoussées par le frottement des vêtements.