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Valérie Guillaume, capitaine du vaisseau Carnavalet

Publié le , par Marie-Laure Castelnau

Le plus ancien musée de la Ville de Paris ouvre à nouveau ses portes, dans un bâtiment entièrement rénové et des collections mises en valeur. Pour sa directrice, à Carnavalet, tout a changé et rien n’a changé.

Valérie GuillaumeDR Valérie Guillaume, capitaine du vaisseau Carnavalet
Valérie Guillaume
DR

Quel était l'objectif initial de ce chantier ?
Ce projet, dont le coût s’élève à 58 M€, est très vaste. Il se décompose en deux parties. L’une sera visible par ceux qui pénétreront dans le musée et en admireront le nouveau parcours de visite, les collections permanentes et les bâtiments restaurés, ainsi que les espaces accessibles à tous les publics. En coulisse, une partie invisible mais tout aussi importante a été accomplie : un travail considérable sur les contenus proposés par les différentes bornes multimédia a été réalisé. Nous avons aussi désormais des réserves aux normes, rationalisées, des collections informatisées et numérisées, des salles de prises de vue, une salle de transit, l’une de quarantaine, un atelier d’encadrement et un autre de restauration. Bref, tous les équipements dont un musée actuel doit être doté.
Quelle est la particularité de Carnavalet ?
Dans ce musée, le plus ancien de la capitale, s’écrit depuis 1880 l’histoire de Paris, du Néolithique à nos jours, avec un récit équilibré entre la vie politique et culturelle de la cité. Installées dans deux splendides hôtels particuliers du Marais, celui des Ligneris, où vécut Madame de Sévigné, et l’hôtel Le Peletier de Saint-Fargeau, nos collections sont connues pour leur qualité, notamment celles de l’époque de la Révolution française : c’est d’ailleurs à l’occasion de son centenaire qu’elles ont été rassemblées à Carnavalet. De plus, la plupart de nos œuvres proviennent de dons. Une autre particularité réside dans l’accrochage de photographies au milieu des collections permanentes. Ce parcours, qui va du milieu du XIXe siècle à nos jours, permet de suivre l’évolution du médium. Son département est riche de 130 000 clichés, dont cent quarante sont exposés par rotation, avec des œuvres exceptionnelles datant du milieu du XIXe siècle, comme ces daguerréotypes représentant une barricade de 1848.

 

Les boiseries du cabinet de l’hôtel Colbert de Villacerf, acquises par la Ville de Paris en 1867. © Musée Carnavalet - Histoire de Paris ©
Les boiseries du cabinet de l’hôtel Colbert de Villacerf, acquises par la Ville de Paris en 1867.
© Musée Carnavalet - Histoire de Paris © Pierre Antoine

Comment s’organise le nouveau parcours de visite ?
Il a été fluidifié et s’étend sur 3 900 mètres carrés. Nous avons conçu deux espaces d’introduction : l’un sur Paris, pour rappeler que nous visitons un lieu dédié à son histoire, et l'autre sur le musée, avec une salle ayant pour objectif de réagir à l’actualité sous forme d’hommage ou d’anniversaire. Le premier thème porte sur le «chiffonnier», mot désignant un métier et une pièce de mobilier, avec notamment un film tourné par des enfants ayant interrogé un artisan du faubourg Saint-Antoine. La suite du parcours est chronologique et s’étend de la Préhistoire à nos jours, avec une dernière œuvre datant de 2020, et représentant Paris vide pendant le premier confinement.
Qu’est ce qui a changé à Carnavalet ?
Il a fallu donner une unité au patchwork architectural sans l’uniformiser, l’adapter aux normes du XXIe siècle sans le dénaturer. La première salle des enseignes, évoquant la rue parisienne, est un très bon exemple de notre état d’esprit : elle ouvre le parcours, comme depuis 1914, conformément à la vision des fondateurs du musée. En revanche, le sol en marbre est restitué, des filtres aux fenêtres permettent de mieux protéger les œuvres de la lumière naturelle, un éclairage avec des leds a été installé. Autre nouveauté spectaculaire : l’exploitation des splendides salles voûtées du sous-sol, autrefois fermées au visiteur et qui abritent désormais la collection archéologique depuis le Mésolithique, avec notamment une immense pirogue néolithique. Chaque salle comprend maintenant des bornes multimédia, des cartels à hauteur des plus jeunes, dessinés et commentés par des enfants, et des lutrins d’accessibilité universelle. Cette rénovation est donc une association entre changement et pérennité. L’architecte François Chatillon dit souvent à ce propos que «rien n’a changé et tout a changé 

 

La cour d’honneur du musée, avec les reliefs de Jean Goujon. Musée Carnavalet - Histoire de Paris © Antoine Mercusot
La cour d’honneur du musée, avec les reliefs de Jean Goujon.
Musée Carnavalet - Histoire de Paris © Antoine Mercusot

Quelles restaurations ont été effectuées ?
Toutes les œuvres montrées au public parmi les 3 800 pièces que compte le musée ont été restaurées, de même que l’ensemble des décors. Du simple dépoussiérage à la restauration de fond, chaque département est concerné : arts décoratifs, arts graphiques, peintures, sculptures… Un travail remarquable a été effectué, notamment sur les maquettes. Le grand décor imaginé par José María Sert pour la salle de bal de l’hôtel Wendel est davantage mis en valeur par une scénographie lumineuse. La Fondation Crédit Agricole d’Ile-de-France Mécénat et Fondation Crédit Agricole Pays de France, qui soutient l’opération, a demandé que le plafond soit restauré en présence du public et par de jeunes professionnels à partir de septembre prochain.
Ce chantier vous a-t-il permis de faire de grandes découvertes ?
Le transfert du salon de compagnie de l’hôtel d’Uzès est l’une des révélations de cette rénovation : il était auparavant présenté au rez-de-chaussée, dans une salle trop basse de plafond. Cela a permis de restituer le niveau de plinthes, la bonne hauteur de corniche, un miroir qui manquait, le tout avec des fenêtres apportant une lumière naturelle. Ce magnifique ensemble conçu par Claude Nicolas Ledoux, avec ses reflets de miroirs et ses décors de boiseries sculptées et dorées, est désormais mis en valeur. Les transformations réalisées dans les salles consacrées à la Révolution sont aussi saisissantes, avec des fenêtres sur l’extérieur et des hauteurs de plafond d’origine. Enfin, la restauration des façades de la cour d’honneur, commencée en 2015, a été l’occasion de redécouvrir cet ensemble de bâtiments, cachés sous des filets de protection depuis plus de dix ans.

 

Le salle de bal Wendel et l'escalier monumental. Musée Carnavalet - Histoire de Paris© Antoine Mercusot
Le salle de bal Wendel et l'escalier monumental. Musée Carnavalet - Histoire de Paris
© Antoine Mercusot

Le public va-t-il découvrir des nouveautés ?
Nous présentons 60 % d’œuvres nouvelles. Difficile de mettre en avant l’une ou l’autre. Le plus important est de souligner que sont désormais montrés des ensembles artistiques, des corpus, avec des typologies très différentes : dessins, estampes, photographies, objets, peintures, médailles, affiches… Exposés dans les 184 vitrines installées dans le musée, ils racontent, expliquent ou rappellent l’histoire d’un événement, la trajectoire d’une personnalité, la construction d’un monument… Une diversité d’œuvres et de sujets que seul Carnavalet peut proposer ! Parmi les acquisitions récentes, citons le tableau de l'Italien Giovanni-Maria Tamburini, qui offre une vue à vol d’oiseau de Paris au début du XVIIe siècle, présenté dans l’une des salles d’introduction. Nous avons aussi un magnifique médaillon provenant des Halles de Baltard, avec les armoiries et la devise de la capitale, «Fluctuat nec mergitur», pérennisée par Haussmann. À une période plus récente, nous avons également pu acquérir un ensemble très intéressant créé par deux artistes, Judy Blum et Nil Yalter, qui ont arpenté tous les arrondissements de la ville dans les années 1970, pour composer une œuvre intitulée Paris Ville lumière.
Quelles seront vos prochaines expositions temporaires ?
Nous possédons un fonds Atget extraordinaire et avons organisé avec la Fondation Henri Cartier-Bresson une exposition sur l’artiste («Eugène Atget, voir Paris», à la Fondation HCB jusqu’au 15 août 2021). Nous proposons également un accrochage sur Cartier-Bresson. Ces présentations croisées montrent l’influence qu’a pu avoir le premier sur le travail du second. «Marcel Proust, un roman parisien» se tiendra en décembre, pour le 150e anniversaire de l’écrivain. Elle sera également associée à une exposition Anna de Noailles, grâce à un prêt important de sa famille à cette occasion.

à voir
«Henri Cartier-Bresson, revoir Paris», musée Carnavalet,
23, rue de Sévigné, Paris 
IIIe, tél. : 01 44 59 58 58,
Jusqu’au 31 octobre 2021.
www.carnavalet.paris.fr
Erratum. Contrairement à ce qui a été indiqué dans la Rencontre (« Alexandre et Pierre Lorquin, la galerie Dina Vierny en héritage ») publiée dans la Gazette n° 22, l’artiste Judit Reigl est d’origine hongroise, et non polonaise. La rédaction présente ses excuses aux lecteurs pour cette malencontreuse erreur.
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