Le 5 novembre dernier se tenait au Centre Pompidou le premier «Art Market Day», à l’attention des décideurs et acteurs du marché de l’art. Les enjeux du numérique occupaient une bonne partie des débats. Revue de détail.
Organisée par le Quotidien de l’art propriété du groupe Beaux Arts & Cie , cette journée professionnelle a attiré trois cents personnes autour de tables rondes et de «keynotes» sur les nouveaux enjeux et les transformations du marché de l’art. L’accent était particulièrement mis sur les développements récents du numérique dans le secteur, à commencer par les places de marché en ligne d’art et d’objets de collection. En préambule, Pontus Silfverstolpe, cofondateur de Barnebys agrégateur de maisons de ventes internationales au même titre que le leader du secteur, Invaluable , rappelait certains chiffres : 95 % des internautes cliquent seulement sur la première page de résultats d’une requête sur Google, et 50 % des utilisateurs de Barnebys utilisent l’application dédiée sur leur téléphone mobile. «Si vous n’êtes pas présent sur la première page de réponse de Google, vous n’existez pas. Désormais, le marché de l’art accessible depuis un mobile permet d’atteindre un public plus jeune. La valeur d’une œuvre d’art acquise aux enchères étant en moyenne supérieure de 65 % à une œuvre achetée chez un marchand, un agrégateur tel que Barnebys augmente le prix final», résume Pontus Silfverstolpe, également corédacteur du Barnebys Online Auction Report, qui vient compléter les données du dernier rapport Hiscox/ArtTactic sur le marché de l’art sur Internet. Une table ronde consacrée aux places de marché de ce support complétait cette intervention. François-Xavier Trancart, cofondateur en 2013 de la plateforme de vente d’art contemporain en ligne Artsper dont le propriétaire du groupe Beaux Arts & Cie, Frédéric Jousset, est actionnaire , notait : «Nous permettons à des personnes intimidées par les galeries et les foires d’acheter des œuvres d’art, cachés derrière leur écran». Artsper, en partenariat avec des galeries d’art françaises, propose notamment des œuvres de street art et d’artistes émergents, tout comme le site de ventes aux enchères Catawiki, qui affiche une croissance insolente depuis 2011. «Représenter un artiste émergent est souvent très coûteux. Certains naissent sur Catawiki et exposent ensuite chez des marchands», énonçait Elsa Gody-Baubau, expert pour cette enseigne. La galeriste Magda Danysz, qui teste la mise en ligne de certaines œuvres de ses artistes sur Artsper et Artsy l’une des plus importantes places de marché «online», qui réunit deux mille trois cents galeries d’art internationales et propose aussi des enchères «live» , soulignait l’absence de relations humaines de ce type de plateforme, et son souci de garder la confiance de ses artistes.
Le fonctionnement d’un registre numérique
Confiance et transparence de l’information étaient les maîtres mots de la table ronde sur la blockchain dans le marché de l’art, comme en témoignaient les propos de Bernadine Bröcker Wieder, coorganisatrice du premier «Christie’s Art + Tech Summit», à Londres en juillet dernier. «L’intérêt de la technologie de la blockchain est d’apporter un degré de confiance sur les données utilisées», déclarait la cofondatrice de la plateforme en ligne Vastari, qui met en relation de façon sécurisée collectionneurs privés et conservateurs de musées en vue d’organiser des prêts d’expositions. La journaliste Georgina Adam, modératrice de cette table ronde, s’amusait en introduction à demander à l’auditoire : «Qui a entendu parler de la blockchain ?» (toutes les mains se lèvent) ; «Qui a compris ce que c’est ?» (personne)… Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les applications de la blockchain sans jamais oser le demander : Paul Stabe, directeur général de la plateforme Artory, expliquait le fonctionnement d’un registre numérique sécurisé d’informations vérifiées sur les œuvres d’art et objets de collection ainsi que leur histoire, utilisé notamment par Christie’s. Francesco Boni, cofondateur d’Artsquare.io, présentait sa nouvelle plateforme de vente d’œuvres d’art divisées en parts des jetons appelés «Artwork Tokens» utilisant la technologie de la blockchain, assortie d’une bourse de commerce dédiée en permettant le trading. Olivier Marian, collectionneur et cofondateur de la société Arteïa avec Phillip Gellman en 2016, annonçait le lancement du catalogue raisonné digitalisé de l’artiste Adel Abdessemed, basé sur la technologie de la blockchain. Fruit d’une alliance entre la plateforme de catalogage Arteia.com, lancée en septembre dernier, et Cahiers d’art, l’éditeur historique repris en 2011 par le collectionneur Staffan Ahrenberg, ce catalogue est le premier d’une collection numérique baptisée «Raisonline». «Les défis du marché de l’art sont la provenance, la traçabilité et la transparence. Depuis trois ans, nous travaillons avec des collectionneurs et des professionnels de la sécurité informatique autour de solutions basées sur la blockchain. Nous proposons aux artistes de constituer leur catalogue raisonné digitalisé et sécurisé au fil de l’eau. Quoi de mieux qu’un artiste vivant pour certifier ses œuvres ?», a déclaré Olivier Marian. La plateforme Arteïa propose aux collectionneurs privés, aux responsables de collections d’entreprise et aux gestionnaires de fortune une solution de catalogage sécurisée sur ordinateur, tablette et mobile, qui permet le référencement, l’optimisation financière, la logistique et le partage des ensembles d’œuvres d’art.
Promotion Internet
Des œuvres d’art qualifiées du terme glaçant d’«actifs émotionnels» , il en était question dans la table ronde intitulée «Comment promouvoir l’art sur Instagram ?» Le média social est, rappelons-le, le plus prisé du monde de l’art devant Facebook (à 63 %), à la fois leader d’opinion et source d’information majeure pour les acheteurs d’art et d’objets de collection, selon le dernier rapport Hiscox sur le marché de l’art en ligne. «Pour les galeries d’art et les maisons de ventes, Instagram a pour but de faire venir le public dans un lieu physique. Après avoir été un média de découverte, il est aujourd’hui une passerelle vers un site internet pour obtenir des informations sur un artiste», explique Thomas de Lattre, consultant en stratégie digitale. «Désormais, on développe des stratégies de communication dédiées à ce média social, comme notre campagne #backtoart, incitant les followers à venir voir les œuvres «en vrai» à la galerie», ajoute Vanessa Clairet, directrice de la communication de la galerie Perrotin. Le directeur des relations extérieures d’Artcurial, Jean-Baptiste Duquesne, abondait dans son sens, expliquant qu’une charte graphique spécifique avait été adoptée sur le compte Instagram de la maison de ventes, présentant des photos attractives accompagnées de textes «éditorialisés» et de hashtags en lien avec l’actualité du réseau social. Pour autant, faut-il ne montrer que des œuvres «instagrammables», colorées et spectaculaires ?