Les tableaux de Ribera se suivent sur le marché parisien, et même s’ils ne se ressemblent pas, ils ont un point commun, ils sont faiseurs de résultats élevés ! Après les 1 820 000 € obtenus chez Daguerre le mardi 16 juin 2020 (voir l'article Un sémillant vieillard de Ribera page 113 de la Gazette n° 25 du 26 juin 2020) par Un philosophe : l’heureux géomètre, une nouvelle toile apparaissait à la veille de Noël. Il s’agissait de la lumineuse figure de saint Pierre repentant émergeant du fond ténébreux de la toile à 1 430 000 € (voir l'article Un saint Pierre inédit signé de Jusepe de Ribera de la Gazette n° 40, page 16). Que d’émotion dans le visage de celui qui par trois fois renia le Christ pour ne pas avoir à le suivre dans son supplice, que d’humanité dans ce regard implorant et que de qualités picturales développées par Ribera pour parvenir à toucher l’âme du croyant ! Le peintre délivre un message fort : l’homme n’est qu’homme, il a le droit de se tromper et de se repentir, le pardon lui sera accordé lorsque sa sincérité aura été reconnue. «Dieu est grand et bon, semble-t-il nous dire, il faut croire et vous serez sauvé.» On comprend comment il s’inscrit dans le contexte particulier de la Contre-Réforme et combien il a dû résonner. Inédite, cette version – Ribera en a exécuté d’autres, aidé de son atelier – a appartenu au cardinal Flavio Chigi (1631-1693). Dans la Rome de la seconde moitié du XVIIe siècle, l’ecclésiastique n’est pas n’importe qui. Outre son goût pour les arts – son palais est dessiné par le Bernin et ses collections de peintures sont immenses , il évolue auprès du pape Alexandre VII, son oncle, dont le pontificat est marqué par la lutte contre le jansénisme. Cette stricte doctrine religieuse issue du catholicisme propose de revenir aux idées de saint Augustin en s’opposant aux indulgentes habiletés des jésuites pour sauver les âmes des pécheurs. Lorsque l’on sait que le prélat, devenu légat pontifical à Avignon (de 1657 à 1668), y fit frapper une monnaie de contrefaçon – des ottavetti – qui sera diffusée dans le Levant avec un fort bénéfice et au détriment du roi de France, on comprend mieux qu’il ait eu besoin de croire en la possibilité du pardon divin.