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Un nouveau départ pour Art Cologne ?

Publié le , par Alain Quemin

Après une période de flottement, qui avait fait reculer son influence sur la scène internationale, la plus ancienne foire d’art contemporain dans le monde a poursuivi sa mue lors de son édition 2017.

Vue du stand de la galerie Karsten Greve à la foire Art Cologne 2017. Photo Chris... Un nouveau départ pour Art Cologne ?
Vue du stand de la galerie Karsten Greve à la foire Art Cologne 2017.
Photo Chris Franken.
Courtesy Galerie Karsten Greve Paris / Cologne / St. Moritz.

C’est dès 1967 que la foire d’art contemporain Art Cologne a été créée, soit trois ans avant sa rivale suisse Art Basel, qui, au fil des années et malgré l’antériorité de sa concurrente rhénane, est devenue la principale manifestation dans le monde. La galerie française Lahumière, qui n’a pas manqué une seule édition de la prestigieuse foire suisse depuis sa naissance, était déjà présente aux débuts d’Art Cologne, mais elle a pris ses distances lorsque celle-ci s’est égarée dans un modèle de croissance non contrôlée du nombre d’exposants, culminant à… trois cent cinquante au milieu des années 1990 ! Ce problème, qui nuisait à la qualité, est aujourd’hui en grande partie résolu avec deux cents galeries (dont la moitié allemandes). Anne Lahumière rappelle qu’à ses débuts, la jeune foire rhénane se tenait alternativement à Cologne et à Düsseldorf, les villes jumelles et rivales de la Ruhr, toutes deux très actives pour l’art contemporain. C’est toutefois à Cologne qu’ont toujours été situées les principales galeries, Düsseldorf hébergeant pour sa part la plus prestigieuse école d’art d’Allemagne. La galerie Lahumière, dont beaucoup de clients étrangers sont allemands et qui apprécie le pragmatisme des organisateurs, a donc regagné les rangs des participants à Art Cologne. Faisant fi des quatre vastes halls qu’elle avait autrefois investis, la foire s’est resserrée sur un seul d’entre eux. Venue en 2017 avec une large sélection de ses artistes, tels Jean-François Dubreuil et Jörg Glattfelder  récemment auréolés du prix Aurélie Nemours pour le premier, du prix Ruppert pour le second , mais aussi Auguste Herbin, Antoine Perrot, Jean-Gabriel Coignet, Aude Bertrand ou Nicholas Bodde, Anne Lahumière soulignait : «Cologne, ce n’est pas Paris et son marché ; même si la Rhénanie est une terre riche en collectionneurs, il faut rester raisonnable.»
Un modèle original de foire aux espaces généreux
Cette édition d’Art Cologne a attiré des participants parmi les plus reconnus au monde. C’est un excellent signe. Vives le jour du vernissage, les ventes ont ensuite été plus calmes. Il ne faudrait pas en déduire que l’on avait affaire à des achats «coups de cœur». Si les transactions pouvaient être rapides, c’est que le public rhénan est constitué de connaisseurs au goût très sûr, qui savent ce qu’ils veulent. Les galeries à l’offre de qualité trop faible sont ainsi condamnées à se casser les dents à Art Cologne. Si les locaux de la «Messe» sont sans aucun charme et situés à l’écart du centre d’une ville de surcroît ravagée par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale, ils sont parfaitement fonctionnels, malgré une insuffisante lumière naturelle zénithale. Principal avantage du site, le prix des stands est très raisonnable  autour de 300 € le mètre carré, soit environ trois fois moins que les foires les plus chères ! Ceci permet aux galeries d’adopter des présentations très aérées, là où trop de rassemblements engendrent des accrochages surchargés, afin de maximiser l’utilisation d’espaces hors de prix. À Art Cologne, on pouvait ainsi apprécier pleinement le très beau stand de la galerie parisienne Le Minotaure, aux œuvres toujours magnifiques et souvent vivement colorées, qui ont besoin d’espace pour ne pas jurer entre elles et s’exprimer pleinement. Tout comme, sur le stand de la galerie Lahumière, de très beaux tableaux d’Auguste Herbin (ici, des œuvres de 1919) accueillaient le visiteur. La foire se caractérisait donc par son abondance de vastes stands, parfois sur des surfaces proches de 200 mètres carrés, permettant de découvrir les offres dans les meilleures conditions, d’autant qu’en 2017 le nombre de visiteurs s’avérait en retrait de 20 ou 30 % par rapport aux années précédentes. La manifestation aurait notamment souffert d’un calendrier mal articulé avec le Gallery Week End de Berlin, même si Art Cologne avait été avancée d’un jour pour limiter les effets de chevauchement entre les deux événements. L’an prochain, la concurrence se jouera aussi avec la foire de Düsseldorf, qui semble appelée à se relancer. Les galeries n’hésitaient pas à présenter des noms et des œuvres chers, d’où beaucoup de grands formats d’artistes importants, notamment des peintures très colorées. La foire présentait ainsi des redites préjudiciables. Par exemple, les galeries proposaient trop d’œuvres sur papier de Georg Baselitz et les sculptures de Stefan Balkenhol, visibles sur une dizaine de stands (!), finissaient inéluctablement par susciter l’ennui. La moitié des créateurs présentés étaient allemands et seuls les Américains rivalisaient avec eux, les collectionneurs rhénans regardant de longue date outre-Atlantique et ayant les moyens de s’offrir ces artistes très cotés. Il était inutile de chercher les contemporains chinois, presque absents… la mode est déjà passée. Le sous-sol, accueillant surtout l’art d’après-guerre, était pertinent, avec parfois une tendance un peu trop marquée à la décoration. Au premier étage, les jeunes galeries et structures présentant de jeunes artistes mériteraient globalement de gagner en qualité, collant trop au modèle de la «jeune galerie berlinoise» nécessairement «branchée» et expérimentale. Elles souffraient également d’être placées en fin de parcours.
Des stands de qualité
Dans l’ensemble, le meilleur se trouvait à l’étage intermédiaire, mais surtout concentré autour des deux allées A et B. Si la galerie Templon montrait ses artistes allemands  en nombre important , elle avait opté pour des pièces discrètes visant à susciter l’intérêt des visiteurs et pour un grand Julian Schnabel, dans le but de pousser davantage d’autres créateurs moins connus du public local. Plus radicale encore, Suzanne Tarasieve, qui défend elle aussi de nombreux artistes d’outre-Rhin, avait pris le parti de très peu les exposer, affirmant : «Quand je vais en Allemagne, ce n’est pas pour montrer des artistes allemands. Ils ont déjà leurs galeries sur place qui les défendent très bien». Le géant David Zwirner adoptait le positionnement inverse, en présentant Thomas Ruff, Isa Genzken, Wolfgang Tillmans, Sigmar Polke, Heinz Mack, ou, pour le lointain exotisme, l’Autrichien Franz West, et souvent de grands formats. Le poids lourd Gagosian était présent avec l’un des deux plus grands stands de cette édition, ne comportant que… quatre œuvres, dont trois  des peintures très conceptuelles  sur les cimaises extérieures et une sculpture  installation  de Chris Burden perdue au milieu de son espace. Soit une affirmation claire de sa puissance en participant à une foire, tout en montrant clairement qu’il peut se passer de ces manifestations pour réaliser des ventes élevées, ce qui est devenu impossible pour la plupart de ses concurrents… Le troisième poids lourd international, Hauser & Wirth, tenait son rang. Le Parisien Laurent Godin frappait fort avec une immense sculpture de Wang Du en angle de stand et une grande toile de Marlène Mocquet au fond de celui-ci. Chez le madrilène et new-yorkais Michel Soskine se remarquaient quatre tapisseries de Grau-Garriga. Le stand le plus impressionnant était aussi le plus vaste et (bien) rempli, celui du galeriste franco-helvético-allemand Karsten Greve, qui a commencé à Cologne, où il est toujours installé, et est également présent à Saint-Moritz et Paris. Y trônait notamment une magnifique œuvre de Jannis Kounellis, artiste difficile à montrer en foire, mais ici parfaitement présenté. À Art Cologne, en 2017, c’est Karsten Greve qui recevait. 

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