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Art Cologne : la grande oubliée

Publié le , par Pierre Naquin

Alors que les regards français sont tournés vers le jubilé d’Art Brussels, une foire encore plus grande et plus ancienne et peut-être plus importante, se tenait aux mêmes dates, à moins de 100 km : Art Cologne. Bilan.

Stand Piktogram, Art Cologne 2018.  Art Cologne : la grande oubliée
Stand Piktogram, Art Cologne 2018.
© COURTESY ART COLOGNE

Dix ans. Cela fait désormais une décennie que Daniel Hug est à la tête d’Art Cologne, la foire historique de l’art contemporain 52 éditions au compteur. Dix années durant lesquelles ce galeriste et petit-fils d’artiste célèbre n’a pas chômé. Il a ainsi réussi à restaurer l’aura d’un événement qui connut toutes les crises… et à faire face à une nouvelle compétition avec feu Art Fair Cologne désormais rebaptisée et déplacée dans la ville voisine de Düsseldorf , propriété de MCH, le groupe surpuissant des manifestations du marché de l’art (Masterpiece, Art India Fair ou… Art Basel). Très structurée avec ses deux étages présentant des propositions radicalement différentes, Art Cologne a, de tout temps, été tournée vers le monde germanophone (Allemagne, Autriche, Suisse, Luxembourg, Pays-Bas, Belgique), qui constitue, d’ailleurs, le plus grand vivier de collectionneurs (et d’institutions) en Europe. Avec plus de 80 % d’exposants en provenance de ces pays, cet ancrage est une nouvelle fois marqué et assumé. Mais pour quel bilan ?
Nouveaux venus
Côté visiteurs, la foule se pressait lors du vernissage, un mix très international mais majoritairement constitué d’amateurs en provenance de la Rhénanie. David Achenbach et Anna Hagemeier les deux directeurs de la galerie qui porte leurs noms (Düsseldorf) notent ainsi «la forte présence de collectionneurs européens, accompagnés de quelques grands collectionneurs américains», auxquels ils ont eu la chance de vendre. Ernst Hilger (Vienne) souligne quant à lui «l’extrême connaissance et curiosité des visiteurs». Beaucoup de nouveaux venus, ce que saluent évidemment les marchands. «Nous avons rencontré et surtout vendu à de nombreux nouveaux clients», indique ainsi Gisela Clement (Bonn), qui faisait un carton avec l’installation Falling Sleeves de Max Frisinger, chouchou de la presse comme des visiteurs. Tous les exposants étaient unanimes pour saluer le travail de Daniel Hug. Pour Gerald Deweer (Otegem, Belgique), «le directeur a fait un super boulot. La foire progresse chaque année avec des exposants et des propositions de meilleure qualité, édition après édition». Côté argent, la plupart des exposants se montrent également satisfaits de leur participation. La foire laissait davantage d’espace à la circulation avec plusieurs open spaces, où il était possible de s’arrêter pour discuter, certains utilisant cet espace pour concrétiser leurs ventes. La galerie Haas (Zürich) cédait par exemple un très beau A. R. Penck ainsi que de plus petites pièces. «Nous avons surtout vendu en début de foire», précise Erika Költzsch, directrice. Gerald Deweer laissait partir entre autres deux sculptures/installations de Stephan Balkenhol à 52 000 € chaque, «toutes à de nouveaux clients». Thomas Weber de la galerie Boisserée (Cologne) se séparait notamment d’une terre cuite d’Eduardo Chillida, Lurra, pour 150 000 €, ainsi que d’une œuvre de Joan Hernández Pijuan à 120 000 €. Dans une gamme de prix plus raisonnable, André Schlechtriem (Dittrich & Schlechtriem, Berlin) natif de Cologne et qui changeait cette année de hall pour venir dans la «cour des grands» cédait «une œuvre de Julian Charrière à 22 000 €, une de Dorian Gaudin pour 12 000 €, plusieurs d’Alfredo Aceto allant jusqu’à 4 000 € ainsi que de nombreuses pièces d’Andrej Dubravsky sur le solo show de New Positions, à 4 000 €». Mais certains exposants, comme Michael Beck, de la galerie Beck Eggeling (Düsseldorf) se montraient néanmoins plus froids : «Nous n’avons fait que de toutes petites ventes auprès de collectionneurs de la région que nous connaissions déjà. Cela ne fait pas sens de faire venir les grosses galeries internationales. Elles n’apportent pas grand-chose et nous “piquent” nos clients. Même si je dois admettre que la foire est en bien meilleure forme que les années précédentes, de notre côté, nous réservons plutôt nos grosses pièces pour Tefaf New York dans deux semaines.» Voilà qui est dit !
Problème de calendrier… et de météo ?
La concomitance avec Art Brussels cette année a tout de même eu un impact sur le visitorat de la foire. «Il me semble qu’il y avait peut-être un peu moins de collectionneurs belges cette année, explique Gerald Deweer. Ils avaient l’habitude de venir le week-end à Art Cologne mais il est probable que la météo très agréable et la tenue d’Art Brussels aient eu raison de leurs envies de voyage.» Cela va même plus loin pour Erika Költzsch : «C’est aussi le cas pour les collectionneurs des Pays-Bas et du Luxembourg.» Même constat pour Gina Reincke, de Future Gallery (Berlin) : «Il y avait moins de monde que l’année dernière. C’est très certainement dû à la coïncidence avec la foire de Bruxelles. Cela ne nous a pas empêchés de rencontrer de nouveaux clients et faire de belles ventes.» Mais, comme l’exprime avec humour Thomas Weber, le principal concurrent ne se trouvait pas de l’autre côté de la frontière : «C’est tout simplement le beau temps !» Là où la grisaille du vernissage a fait le bonheur des marchands moins de monde en terrasse, plus dans les allées du salon , le grand soleil printanier des cinq jours restants a eu un impact sur les envies d’art de la population locale… Espérons donc que l’année prochaine les nuages seront plus nombreux dans le ciel et encore moins dans l’organisation !  

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