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Art Cologne, année de transition

Publié le , par Pierre Naquin

Art Cologne, la foire historique, vit une période difficile. Longtemps dans l’incapacité juridique d’effectuer un travail de sélection, elle fait en 2019 un virage à 90 degrés avec une baisse drastique de son nombre d’exposants. Pour quel résultat ?

The Fallen Sky (2006), Ilya & Emilia Kabakov. Art Cologne 2019.  Art Cologne, année de transition
The Fallen Sky (2006), Ilya & Emilia Kabakov. Art Cologne 2019.
Courtesy Art Cologne

Daniel Hug, le directeur de la foire, ne s’en cache pas : «Nous devons répondre aux évolutions du marché. Si certains galeristes ne s’en sortent pas, il faut leur trouver des solutions. Nous avons ainsi décidé d’intégrer Neumarkt, la section dédiée à l’avant-garde, à l’étage principal.» Fini en effet, la foire monstre sur trois étages, fini les plus de deux cents exposants. La foire perd trente-cinq galeries pour retrouver un format adapté à sa situation. Résultat, «on note une progression très nette de la qualité», selon Gerald Deweer de la galerie du même nom. «Néanmoins, cela ne masque pas entièrement l’absence de certains marchands importants», précise Raffaela Salis (galerie Thomas Salis). Malgré un format plus réduit, Art Cologne parvient à augmenter  légèrement  son nombre de visiteurs, avec 57 000 personnes accueillies cette année. Surtout, «ce sont des vrais collectionneurs», souligne Stefano Pult de la galerie Lange + Pult, qui y participe depuis douze ans. «C’est la grande force de cette foire.» Concernant les ventes, le bilan est mitigé. Certains sont très satisfaits de leur présence comme la galerie Charly Bailly, qui cédait plusieurs classiques «toujours sous les 200 000 €». Il souligne par ailleurs la fraternité du salon : «Certains marchands comme Thomas Derda, Von Vertes et Philippe David ont rassuré plusieurs de leurs clients qui ne nous connaissaient pas et qui ont fini par nous acheter des œuvres. C’est rare dans le monde de l’art…» Surtout, «toutes ces ventes étaient faites à de nouveaux collectionneurs». Stefano Pult vendait plusieurs pièces des minimalistes Olivier Mosset, Mathieu Mercier, Gerold Miller et Wolfram Ullrich. Gerald Deweer était également satisfait. «Nous avons aussi bien vendu nos artistes historiques comme Stephan Balkenhol, Imi Knoebel, que les plus jeunes, Anna Vogel ou Nasan Tur.» Cette dernière entrait à cette occasion dans la célèbre collection d’Heiner Wemhöner. Le galeriste bénéficiait aussi de la visibilité offerte aux abords de la foire à son installation The Fallen Sky, des Kabakov. «Nous avons vendu des pièces de tous les artistes que nous avions emmenées pour l’occasion», ajoute Sebastian Klemm (Klemm’s). Les prix oscillaient entre 25 000 et 38 000 €. «L’ambiance était meilleure. Les gens ne prenaient pas seulement plaisir à visiter mais était aussi à la recherche de quelque chose à acquérir». «La foire s’est bien déroulée pour une première participation. Nous sommes satisfaits de nos ventes. C’est un début encourageant», indique Romain Chenais d’High Art qui proposait un solo show de l’Américain Aaron Garber-Maikovska. La galerie Jochen Hempel se montrait également très satisfaite, elle cédait entre autres plusieurs grands formats de Tilo Schulz et Peter Krauskopf ainsi que plusieurs petites œuvres de Bastian Muhr. Klaus Webelholz plaçait sur ses galeries Bärbel Grässlin et Filiale «beaucoup d’œuvres» de Marcus Oehlen, de nombreuses pièces d’Alicia Viebrock, «presque sold out», six œuvres dont deux grands formats de Stephanie Deuter ainsi que de nombreux petits formats de Laura Schawelka, pour laquelle ils présentaient une grande installation.
Quelle clientèle pour Art Cologne ?
D’autres trouvent au contraire l’exercice difficile. «Ça a été très laborieux. Il manque un peu de chiffre d’affaires», précise le Parisien Jean Brolly. Il vendait une installation de Nicolas Chardon et quelques monochromes de Bernard Aubertin. Robert Murphy (RCM Galerie) compte sur les after sales pour être pleinement satisfait. «Les ventes sont lentes. Les Allemands aiment prendre leur temps pour décider. Par ailleurs, ils apprécient surtout leurs “classiques” même si certains sont prêts à faire quelques découvertes.» Il plaçait un tableau de Francis Celentano (années 1960) et un autre de Jaroslaw Kozlowski (années 1970), qu’il représente depuis l’année dernière. «Nous ne sommes pas réellement satisfaits. Heureusement que nous avons rencontré de nouveaux, et plus jeunes collectionneurs», précise Raffaela Salis. Elle espère pour l’année prochaine que la foire puisse «mélanger les deux étages». Daniel Hug se défend : «seules neuf galeries sur une centaine n’ont pas atteint l’équilibre, dix ont couvert le prix de leur stand et 80 nous ont confirmé des profits ou de francs succès». Les collectionneurs allemands sont toujours les rois d’Art Cologne. La plupart des collectionneurs importants du pays viennent mais il est vrai que la clientèle reste principalement locale. «Nous avons vu quelques Belges et Hollandais pendant le week-end», indique Jochen Hempel. «Malgré les efforts des organisateurs, cela semble difficile d’ouvrir la foire au-delà de la zone», ajoute Andrea Caratch (galerie Caratch). «Avec la multiplication des événements, il est certainement compliqué d’attirer une clientèle américaine ; peut-être faudrait-il essayer de faire revenir les collectionneurs du sud de l’Europe», suggère Stefano Pult. Fidèle parmi les fidèles et satisfaite de cette édition, Diane Lahumière précise néanmoins que la foire devrait pour cela essayer «d’attirer une presse moins germanophone et s’ouvrir davantage en Europe». Plus généralement, les exposants aimeraient tous une meilleure visibilité : «plus de publicité et de presse ferait du bien», ajoute Anna Huber (galerie Rüdiger Schottle). «Comme pour tous les salons, la clé c’est la communication. Un matraquage publicitaire et médiatique est désormais nécessaire… tout comme de beaux stands !», explique Charly Bailly. Alors que le monde se transforme autour d’elle, Art Cologne garde comme atout son histoire et son marché intérieur puissant. Daniel Hug est conscient des défis qu’il lui faut relever et de la vitesse d’évolution du monde qui l’entoure. Après une année 2018 difficile et une année 2019 de transition, il va falloir faire de 2020 l’année de la reconquête !

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