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Mondialisation… à la mode parisienne

Publié le , par Sophie Reyssat

Pôle d’attraction culturel indéniable, la capitale française a encore des défis à relever dans le domaine du marché de l’art. Une table ronde du groupe AXA a lancé le débat, pour redéfinir sa place sur la scène internationale. Compte rendu.

De gauche à droite : Fabrice Bousteau, Bénédicte Alliot, Franck Prazan, Philippe... Mondialisation… à la mode parisienne
De gauche à droite : Fabrice Bousteau, Bénédicte Alliot, Franck Prazan, Philippe Bouchet, Georgina Adam, Géraldine Lenain, Béatrice Salmon et Clément Thibault.
© Alexandra de Lapierre


Le 23 janvier dernier, l’hôtel de La Vaupalière, siège du groupe AXA, accueillait une table ronde intitulée «Perspectives parisiennes. Quelle place pour Paris dans un marché de l’art mondialisé ?» Si le débat a essentiellement porté sur la création contemporaine, il a également été source d’enseignements pour d’autres secteurs artistiques. Avant toute chose, le dynamisme parisien était souligné. En observateur de la vie culturelle, le journaliste Fabrice Bousteau pouvait se féliciter en effet de constater que Paris est sans doute la capitale offrant le plus grand nombre d’expositions, par ailleurs d’une grande diversité, et de souligner le développement de lieux culturels, auxquels il prédit un bel avenir, grâce à l’avènement du Grand Paris. De quoi attirer un nombre croissant de touristes en quête d’art et de luxe  deux domaines dont l’imbrication croissante, reflet de la mentalité des acheteurs, notamment chinois, est favorisée par le marketing des grandes maisons , mais également d’artistes. Après une certaine désaffection dans les années 2000, renchérissait Bénédicte Alliot, directrice générale de la Cité internationale des arts, leur retour se fait sentir, tout comme leur désir de travailler dans la capitale et de s’y constituer des réseaux. L’occasion pour Béatrice Salmon, directrice adjointe chargée des arts plastiques au ministère de la Culture, de rappeler les nombreux dispositifs publics d’accompagnement, qui se conjuguent aux initiatives privées pour soutenir les créateurs. Plus largement, Philippe Bouchet, historien d’art et collaborateur d’AXA Art, faisait remarquer qu’un nombre croissant de collectionneurs s’installent à Paris plutôt que d’y séjourner ponctuellement, afin de profiter au mieux de son art de vivre et de sa vitalité culturelle. Une preuve, s’il en est, que la Ville lumière demeure une place artistique de premier plan. Il convenait alors d’ajouter que son rayonnement tient également dans le savoir-faire de ses professionnels et de ses institutions, dont les compétences en matière d’ingénierie culturelle constituent une référence qui s’exporte.
Histoire et stratégie
Le contexte étant posé, le bel optimisme affiché par les premiers intervenants a rapidement été nuancé par les acteurs de terrain, le marchand de tableaux Franck Prazan assénant que l’«on ne résout pas une problématique de marché par une offre culturelle». Malgré ses indéniables atouts en termes d’ouverture à l’international, d’histoire, de culture et de qualité de vie, Paris demeure en effet à la traîne derrière Londres, avec quelque 20 % des transactions d’œuvres d’art en Europe, contre environ 60 % pour la capitale britannique. Cette dernière, première place européenne, représente en outre près du quart des ventes publiques et privées dans le monde. La France dispose pourtant d’un autre avantage : contrairement aux idées reçues, son système fiscal est parmi les plus favorables au monde en matière de marché de l’art. La qualité d’une ville ne fait donc pas tout. Selon le galeriste, cet état des lieux encore très défavorable pour la France prend ses racines au XVIIIe siècle, lorsque Christie’s et Sotheby’s ont choisi Londres comme siège de leurs activités. Cette capitale est naturellement sélectionnée lorsqu’une importante vente doit se dérouler en Europe… Le Brexit pourrait-il changer la donne ? Bien sûr, tout dépendra des modalités de sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne, le 29 mars prochain. Georgina Adam, auteur de plusieurs ouvrages sur le monde de l’art, souligne ainsi que les tracasseries administratives et les craintes de blocage à la frontière de Calais pourraient jouer en faveur de Paris. Cette dernière n’est cependant pas à l’abri du climat général anxiogène. Si la crise des gilets jaunes n’a pas eu d’impact sur les ventes de décembre pour Christie’s, sa directrice internationale Arts d’Asie, Géraldine Lenain, déplore la défection de quelques clients étrangers refusant désormais de vendre leurs œuvres en France. Le délai d’obtention des passeports et des licences d’exportation constitue selon elle un autre frein, les cinq mois d’attente décourageant les vendeurs. Elle préconise ainsi de revoir les seuils de délivrance à la baisse, pour éviter l’engorgement administratif. Le constat est là, rappelé par Philippe Bouchet : Paris, qui ne recueille qu’une faible proportion d’enchères millionnaires en regard du marché mondial, demeure une place de spécialités, comme la bibliophilie, les arts premiers ou la bande dessinée. Si le volume de ces ventes est marginal, la scène parisienne excelle dans ces domaines de niche, dont les spécialistes sont reconnus pour leurs compétences. Il convient donc de s’appuyer sur cette richesse. À ce titre, Géraldine Lenain salue le succès du Parcours des mondes : en faisant converger les spécialistes et les amateurs internationaux à Paris, ce temps fort des arts premiers génère une dynamique qui profite aux galeries, françaises et étrangères, comme aux maisons de ventes. Elle appelle d’ailleurs de ses vœux une manifestation similaire pour l’art d’Asie, et regrette la frilosité de certaines galeries à accueillir leurs homologues étrangères, vues comme des concurrentes alors qu’elles permettraient de faire venir une nouvelle clientèle dans l’Hexagone.
Relever les manches
On l’aura compris, les atouts sont là. Reste à savoir les valoriser pour développer la place parisienne et la faire rayonner dans le monde. À l’étranger, les institutions n’hésitent pas à pratiquer un certain chauvinisme pour promouvoir leurs artistes, avec un sens du marketing plus aiguisé qu’en France, domaine dans lequel de gros efforts restent à faire. En trois mots : il faut oser !

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