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L’Arche du photojournalisme

Publié le , par Sophie Bernard

Le photojournalisme dispose enfin d’un espace permanent d’exposition en France. Situé au dernier étage de la Grande Arche de la Défense, il est dirigé par un spécialiste du reportage, Jean-François Leroy, fondateur du festival Visa pour l’image à Perpignan.

  L’Arche du photojournalisme
 

Un lieu permanent de 1 200 mètres carrés dédié au photojournalisme : du jamais vu en France ! Situé au sommet de la Grande Arche de la Défense, qui vient d’être classée au patrimoine du XXe siècle, il n’a pas non plus, par sa configuration, d’équivalent dans le monde. Baptisé l’«Arche du photojournalisme», cet espace modulable ressemble à un lieu d’art contemporain par sa hauteur sous plafond, ses murs en béton et sa forme rectangulaire d’un seul tenant, articulée d’un deuxième espace de 200 mètres carrés et de trois amphithéâtres. Le tout s’intègre dans un ensemble plus vaste de 11 000 mètres carrés, accueillant une cafétéria et un restaurant bistronomique.
 

Stephanie Sinclair, Yémen. Nujoud Ali (12 ans), deux ans après son divorce.© Stephanie Sinclair / Too Young to Wed
Stephanie Sinclair, Yémen. Nujoud Ali (12 ans), deux ans après son divorce.
© Stephanie Sinclair / Too Young to Wed

La métamorphose du toit de la Grande Arche
Inauguré le 1er juin dernier, le toit de la Grande Arche a été entièrement repensé et restructuré par le cabinet d’architectes Valode & Pistre. Réalisés par le groupe Eiffage, qui a remporté l’appel d’offres lancé par l’État en 2014, les travaux ont coûté 192 M€ et duré deux ans et demi. L’objectif est de faire revivre l’endroit pour lui redonner un statut de destination touristique comme la tour Montparnasse , mais aussi culturelle. L’idée d’associer un espace d’exposition au toit de la Grande Arche de la Défense est due à l’architecte Jean Pistre, qui y a vu une réponse pertinente à ce point de vue exceptionnel, à 360° et à 110 mètres de hauteur, offert sur Paris et ses environs. C’est la raison pour laquelle a été sollicité Jean-François Leroy, fondateur il y a près de trente ans de Visa pour l’image festival dédié au photojournalisme et se tenant tous les ans à Perpignan , pour en concevoir les principes et en prendre la direction artistique pour trois ans. «L’Arche du photojournalisme s’inscrit dans la continuité de la vision qu’avait de ce lieu le président François Mitterrand, initiateur de la Grande Arche en 1989 : il le voulait à la fois citoyen, culturel et éducatif», souligne-t-il. Lassé des «éternels Robert Capa, Henri Cartier-Bresson, Robert Doisneau ou Willy Ronis, qui ont été maintes fois exposés à Paris et dans le monde», comme il le dit avec son franc-parler habituel, Jean-François Leroy a voulu consacrer cet espace à des auteurs vivants et à des expositions monographiques. Une façon pour lui de rester fidèle à son engagement, qui prend souvent la forme d’un combat pour la profession de reporter, particulièrement mise à mal depuis l’arrivée du numérique et la crise de la presse. «Ce lieu, explique-t-il, va permettre de mettre en lumière de grandes figures de la photographie que les institutions françaises négligent, à commencer par Stephanie Sinclair» (voir Gazette n° 27, page 157). Cette photographe américaine inaugure l’espace avec un thème poignant, le mariage forcé des petites filles, sujet pour lequel elle parcourt le monde depuis 2003. Née en 1973, elle est ce que l’on appelle une photographe «concernée», qui s’engage au point de créer une ONG pour aider et soutenir celles qu’elle met en avant.


 

Stephanie Sinclair (née en 1973), Environs de Hajjah, Yémen. © Stephanie Sinclair / Too Young to Wed
Stephanie Sinclair (née en 1973), Environs de Hajjah, Yémen.
© Stephanie Sinclair / Too Young to Wed

Le lien avec l’actualité
Du fait de ses dimensions, l’espace principal a l’avantage de pouvoir accueillir un grand nombre de photographies 175 pour l’exposition en cours, dont de très grands formats et des vidéos et, surtout, d’offrir de multiples possibilités scénographiques. Ces deux atouts permettent la présentation de rétrospectives, comme celle, début octobre, qui sera consacrée à Eugene Richards, 73 ans, maintes fois récompensé et auteur de nombreux reportages, dont récemment une enquête sur les traumatismes des soldats américains de retour d’Irak. À ces présentations d’envergure installées pour trois mois s’en ajoutent d’autres plus modestes et ponctuelles dans la salle attenante, dont la programmation pourra être thématique, en réaction à des faits d’actualité ou en lien avec le monde du reportage. Ainsi est actuellement présenté un hommage au photographe de guerre Stanley Greene, décédé à Paris le 19 mai dernier. Si l’on se réjouit que Paris dispose d’un lieu permanent consacré au photojournalisme, on peut s’interroger sur les modalités d’accès à cet espace. Le visiteur doit en effet être prêt à payer 15 € pour gagner le toit par l’un des quatre ascenseurs panoramiques, auxquels s’ajoutent 4 € pour l’accrochage. Un prix qui ne devrait pas décourager les touristes qui étaient plus de 250 000 par an avant la fermeture, en 2009 , mais cela sera-t-il le cas pour les Parisiens et les Franciliens qui veulent simplement voir une exposition ?

"La photo d’actualité est parfois dérangeante, mais est aujourd’hui plus nécessaire que jamais Jean-François Leroy"
L’Arche du photojournalisme, au dernier étage de la Grande Arche de la Défense, avec l’exposition de Stephanie Sinclair «Too Young to Wed - Mariées tr
L’Arche du photojournalisme, au dernier étage de la Grande Arche de la Défense, avec l’exposition de Stephanie Sinclair «Too Young to Wed - Mariées trop jeunes».
© Mazzen Saggar
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