Aux Pays-Bas flamands et hollandais, au XVIIe siècle, réalité et symbolique se mêlent dans un genre de tableaux, qui séduira toute l’Europe : la nature morte. Les Bruegel en sont des spécialistes comme en témoigne cette œuvre.
Sur un fond noir lisse, le bouquet de fleurs déploie de magnifiques corolles chatoyantes. Blancs et roses pâles, illuminent une palette de bleu, orange et rouge avec des rehauts de jaune. Pour ajouter à la séduction de cette importante toile au moins par ses dimensions si ce n’est par sa virtuosité , Jan Bruegel le Jeune, fils de Jan Bruegel l’Ancien dit de Velours, a choisi de placer la gerbe d’œillets, roses, tulipes et autres iris dans un vase de majolique italienne, orné de scènes mythologiques. Un scarabée chemine lentement sur l’entablement où se fane une branche de jasmin. Ce ne sont pas les éléments essentiels certes, mais leur rôle est capital : évoquer pour le spectateur la brièveté de la vie comme le message subliminal des diverses fleurs. La richesse apportée par l’essor considérable du commerce, du développement des connaissances notamment botaniques et la primauté naissante de la science sur l’enseignement religieux heurtent les consciences tant protestantes que catholiques. Ces tableaux décoratifs sont là pour rappeler que dans ce bas monde tout est vanité, «la vanité des vanités» de l’Ecclésiaste. Dans les jardins d’Anvers, Bruges ou Bruxelles, poussent des fleurs exotiques rapportées de lointaines expéditions, fort onéreuses ; ils évoquent cependant une sorte de paradis sur terre, fantasme que Jan Bruegel transpose merveilleusement en peinture. Bien que fort variées, ces fleurs imitent le déroulement d’une vie humaine, du bourgeon aux pétales qui tombent et aux feuilles qui se flétrissent, en passant par leur sublime floraison. Tout ne pourrait être que plaisirs : l’odorat pour les suaves parfums des roses, des œillets et des jasmins, la vue par les palettes de leurs fleurs et le velouté de leurs pétales. Cette toile, œuvre de Jan Bruegel le Jeune, reprend un thème qui a fait la renommée de son père. Formé par ce dernier ainsi que son cadet Ambrosius, spécialisé dans le paysage , il effectue, en compagnie de son ami d’enfance Antoine Van Dyck, un voyage d’étude en Italie, quand son père meurt du choléra en 1625, et le force à retourner à Anvers prendre la tête de l’atelier. Il est admis dans la guilde de Saint-Luc en 1630. Travaillant pour la cour autrichienne de la maison des Habsbourg et la noblesse parisienne, il est appelé à collaborer avec Rubens et Van Balen pour peindre les paysages de leurs tableaux. Ses compositions de fleurs, replacées dans leur contexte, n’ont certainement pas été présentées comme des images fidèles de la réalité. Même le spectateur d’aujourd’hui devine qu’il s’agit de mises en scène. Défiant les lois de leurs éclosions respectives, ces fleurs sont à la fois louange à la beauté de l’univers et à son caractère éphémère, et invitation à une méditation morale.