Cette dispersion révélait une part secrète du marchand d’estampes : sa passion pour les livres anciens et modernes illustrés.
Le parcours de Marcel Lecomte était relaté dans l’Événement de la Gazette n° 40, en page 18, consacré à la première vente de sa bibliothèque. Bernard, son fils, y apportait des précisions sur les relations de son père avec le monde des livres, nous confiant au passage qu’il n’aimait guère se séparer de ses ouvrages. Bien sûr, son intérêt avéré pour l’estampe le portait logiquement vers les livres illustrés, les anciens comme les modernes et, de préférence, en édition princeps. C’est un exemplaire de la première édition in-folio en partie originale des Essais de Michel de Montaigne, publiée trois ans après son décès par Marie de Gournay, sa «fille spirituelle», qui obtenait le score le plus élevé à 94 785 €. Édition essentielle puisqu’elle fixe la prose définitive de cette œuvre majeure de la littérature humaniste, modifiant «en profondeur les textes des éditions antérieures, sans pour autant toucher à l’économie générale du livre» (Philippe Desan). Elle prit près de six mois d’impression tant les corrections furent nombreuses. Montaigne y étaie la thèse d’un homme conscient de sa nature et, partant, de ce qu’il peut être. Tout ceci se déroulait sous la protection de Saint Matorel, là encore un document d’importance dans l’histoire de la bibliophilie. En effet, ces écrits de Max Jacob sont ornés de quatre eaux-fortes originales cubistes de Pablo Picasso : il ne s’agit ni plus ni moins que du premier travail d’illustration du peintre, ainsi que du premier ouvrage publié par Daniel-Henry Kahnweiler. Cet exemplaire, l’un des quatre-vingt-cinq sur vergé de Hollande, de plus habillé d’une reliure de Pierre-Lucien Martin, recevait 65 748 €. Louis Dupré (1789-1837) fut quant à lui le peintre officiel de Jérôme Bonaparte. En 1814, il reçoit une pension pour se rendre à Rome et à Naples, ce qui lui ouvre les portes de la Méditerranée orientale. Il part en février 1819 et revient un an plus tard, avec dans ses bagages un texte et de superbes dessins et aquarelles qui serviront de base à un recueil, le Voyage à Athènes et à Constantinople, ou Collection de portraits, de vues et de costumes grecs et ottomans peints sur les lieux, paru en 1825. Marcel Lecomte en détenait un bel exemplaire, bien sûr complet de ses planches, lequel partait vers un nouvel horizon à 53 080 €. Le produit de l’après-midi flirtait avec le million, à 985 162 € exactement.