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Audrey Bazin, nouvelle directrice de la Fondation Louis Roederer

Publié le , par Sophie Bernard

Douze ans après sa création, la Fondation Louis Roederer accueille pour la première fois une directrice artistique issue du monde culturel. Entre continuité et changement, elle explique l’ambition et les nouveaux projets de l’institution.

© gkayacan Audrey Bazin, nouvelle directrice de la Fondation Louis Roederer
© gkayacan

Comment passe-t-on du monde des galeries d’art, où vous avez commencé votre parcours, à une fondation d’entreprise comme Roederer ?

Dans mon parcours, certaines rencontres ont été déterminantes, comme celle avec Guillaume Foucher et Frédéric Biousse qui m’ont confié la direction des trois espaces de La Galerie Particulière à Paris et à Bruxelles pendant huit ans. Avec eux, comme avec Christophe Gaillard, j’ai pu mener un travail en profondeur – et de conviction – de défense et de soutien des artistes. Et bien que la rentabilité se devait d’être au rendez-vous, j’ai toujours été encouragée à être dans l’exigence et à faire bouger les lignes, deux constantes qui vont aussi être mes guides à la Fondation. Quand Guillaume Foucher et Frédéric Biousse ont fermé la galerie en 2019, je les ai suivis comme directrice du domaine de Fontenille. Ce qui a pu alors apparaître comme un pas de côté s’avère être un atout aujourd’hui. Mais l’écart n’était pas si grand puisqu’un centre d’art était associé à cet hôtel de luxe.
 

En quoi votre passage à la galerie Christophe Gaillard comme directrice des relations extérieures et des projets a-t-il été également déterminant ?

À la galerie Christophe Gaillard, où je dirigeais également le département Photographie, j’ai notamment créé et commencé à développer un programme de résidences d’artistes et de bourses de recherche. Cette expérience et celle de directrice artistique du prix de la photo Camera Clara depuis 2012 sont précieuses pour mes nouvelles fonctions, dans la mesure où ce type de programmes fait partie des activités de la Fondation.
Quelles sont les particularités de la Fondation Roederer en matière de mécénat ?
La Fondation est directement placée sous l’autorité de Frédéric Rouzaud, président directeur général du groupe, ce qui est assez atypique et peu courant. Cela signifie qu’elle est totalement autonome et indépendante puisqu’elle n’est pas rattachée aux services de communication et de marketing. Concrètement, il n’y a ni attente ni contrainte en retour de nos actions de mécénat, il n’y a pas de finalité commerciale. Lorsqu’on décide de soutenir une institution, c’est parce qu’on fait le choix de valoriser un programme que l’on considère comme remarquable, et bien sûr en adéquation avec notre image. On peut donc qualifier cette démarche de pur mécénat ou de mécénat à l’ancienne.

 

Exposition de Farah al Qasimi.  Prix Découverte Louis Roederer, aux Rencontres d’Arles en 2021. © Marjorie Sardanne
Exposition de Farah al Qasimi. Prix Découverte Louis Roederer, aux Rencontres d’Arles en 2021.
© Marjorie Sardanne

Roederer a une longue tradition de relations avec le monde de l’art : quelles sont les lignes directrices de son mécénat ?

Au début des années 2000, Michel Janneau, directeur général adjoint, a ouvert la voie, sous l’impulsion de Frédéric Rouzaud (voir Gazette n° 25, 28 juin 2019, page 174). Il a initié de nombreux projets, principalement dans le monde de la photographie, par suite de coups de cœur ou de rencontres. La création il y a vingt ans de la Bourse de recherche à la Bibliothèque nationale de France, soutenant les travaux scientifiques menés au sein de ses collections, en est un exemple. Cela a conduit à l’accompagnement d’expositions à la BnF, puis au soutien d’institutions comme le Palais de Tokyo, le Grand Palais, puis le Jeu de Paume et la villa Médicis. Ce qui a été mis en place va perdurer car nous concevons le mécénat sur le long terme. Mon rôle va consister à effectuer un travail de veille, à prospecter, à initier de nouveaux projets et à apporter de la cohérence à l’ensemble. C’est d’ailleurs dans cette volonté de formaliser ses différents programmes que la Fondation a été créée en 2011.

Pour la première fois, la Fondation est dirigée par une historienne de l’art de formation. Est-ce un tournant ?
C’est un tournant dans le sens où je vais développer de nouvelles actions, mais ce n’est pas un changement radical car je vais travailler dans la continuité, en creusant deux sillons chers à Roederer : la création et la transmission, auxquelles on peut ajouter l’excellence. Ainsi, nous poursuivons notre collaboration avec la BnF et celle entamée avec les Rencontres d’Arles en 2017 avec le prix Découverte, récompensant un jeune photographe et sa galerie. Et au Jeu de Paume, notre soutien porte désormais spécifiquement sur la Biennale Fata Morgana, parce que ce festival inauguré par l’institution en 2022 réunit ces deux valeurs qui nous sont chères. D’un côté la création, puisqu’il inclut la production d’une œuvre, et de l’autre la transmission, avec les conférences et le programme de médiation.

La photographie reste-t-elle un champ d’action privilégié ?

Oui, elle occupe une place de choix – que ce soit l’image fixe ou en mouvement – comme le prouve la création en 2021 du prix Louis Roederer de la Photographie pour le développement durable. Mon arrivée permet d’avoir un nouveau regard sur la manière de le faire résonner. Nous allons modifier son mode d’organisation pour accroître sa dimension internationale et enrichir le travail du lauréat de points de vue critiques et scientifiques. Selon moi, on ne peut témoigner de questions complexes uniquement par le prisme de la photographie.
Q
uelles nouvelles actions allez-vous mettre en place ?
Dès cette année, nous allons soutenir la villa Albertine (voir Gazette n° 7, 18 février 2022, page 158) et ce, de différentes manières. À la fois pour son programme de résidences – ce pourquoi elle est le plus connue – mais aussi pour ses bourses annuelles. Nous allons les accompagner chaque année dans un domaine différent : le théâtre en 2023, la danse en 2024 et la musique en 2025. C’est donc un engagement sur trois ans. Agir sur le long terme nous tient à cœur, cela fait aussi écho à la fabrication du vin qui est un processus qui prend du temps. Ce qui nous intéresse avec la villa Albertine, c’est de rayonner en dehors de la France. Cette action sur le sol américain fait écho à notre soutien au Festival du cinéma américain de Deauville. Nous visons autant l’international que le local.

 

Rahim Fortune (né en 1994), lauréat 2020 du Prix découverte Louis Roederer, Billy et Minzly, série « Je ne supporte pas de te voir pleurer
Rahim Fortune (né en 1994), lauréat 2020 du Prix découverte Louis Roederer, Billy et Minzly, série « Je ne supporte pas de te voir pleurer », 2020. Avec l’aimable autorisation de Sasha Wolf Projects et de l’artiste.

Le partenariat initié en 2020 avec la villa Médicis incarne-t-il cette idée ?

Nous souhaitons resserrer les liens de la Fondation avec les artistes. Cela signifie de se rendre régulièrement sur place pour rencontrer les pensionnaires pour, à terme, pourquoi pas les solliciter pour des productions artistiques. C’est là une autre forme de mécénat que nous voulons développer : concevoir des programmations artistiques pour les présenter au sein des domaines. À ce stade, c’est en phase d’élaboration. Cela pourrait prendre la forme d’une œuvre conçue spécialement, d’un partenariat avec un musée local, nous pourrions y associer des conférences avec des acteurs issus de différents horizons… L’idée est de monter des projets pensés par la Fondation et conçus pour elle.
 

Des œuvres ont également été acquises au fil des années : fonder une collection est-il à l’ordre du jour ?

Jusqu’à présent, la Fondation a acquis des œuvres occasionnellement et au gré d’opportunités, comme les expositions du prix Découverte à Arles. Constituer une collection en élaborant une ligne et une stratégie d’acquisition fait partie de notre ambition pour le futur. Celle-ci sera principalement axée sur des artistes émergents et en milieu de carrière, sans pour autant s’interdire des grands noms. Ces acquisitions seront notamment l’occasion de valoriser le travail des galeries. Je suis bien placée pour savoir qu’elles constituent une des premières forces de proposition d’expositions gratuites et qu’elles sont de remarquables découvreuses.

à voir
« Stéphane Couturier », Le Cellier, 4 bis, rue de Mars, Reims (51), tél. : 03 26 24 58 20.
Du 26 mai au 3 septembre 2023.
www.reims.fr/la-culture-a-reims/le-cellier
www.louis-roederer.com
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