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Virginie Huet et Aurélia Marcadier : un duo pour la photo

Publié le , par Sophie Bernard

Virginie Huet et Aurélia Marcadier assurent depuis trois ans la direction de PhotoSaintGermain, festival de photographie conçu comme un parcours dans la capitale. Rencontre avec ce tandem très complémentaire.

Johanna Benaïnous (née en 1991) et Elsa Parra (née en 1990), Le Reflet de la cuillère,... Virginie Huet et Aurélia Marcadier : un duo pour la photo
Johanna Benaïnous (née en 1991) et Elsa Parra (née en 1990), Le Reflet de la cuillère, 2017.
© Johanna Benaïnous et Elsa Parra

Depuis que vous en avez pris la direction, quel renouveau avez-vous apporté à PhotoSaintGermain, créé il y a sept ans ?
Virginie Huet : La manifestation s’est élargie géographiquement, puisque les expositions se tiennent cette année dans les 5e, 6e et 7e arrondissements de Paris. De même, si le festival est né de l’initiative d’un groupe de galeristes de Saint-Germain-des-Prés, au moment de l’ouverture, en 2010, de la galerie Magnum rue de l’Abbaye, il réunit désormais des lieux aussi divers que des institutions, des centres culturels, des librairies et, bien sûr, toujours des galeries. Comme l’indique la base-line, «le parcours photo de la rive gauche», l’idée directrice est une visite qui se conçoit à pied, à travers une quarantaine de lieux.
Aurélia Marcadier : À notre arrivée, nous avons abandonné l’idée d’un thème spécifique pour chaque édition, la photographie représentant en soi déjà une contrainte pour nombre de galeries de Saint-Germain, qui, pour la plupart, sont pluridisciplinaires. Outre l’élaboration d’une nouvelle identité, nous avons également instauré un jury, renouvelé tous les ans, pour sélectionner les lieux participants. Il regroupe cinq personnalités incarnant chacune un profil différent du monde de l’image. Cette année, il réunissait Pascal Beausse, responsable de la collection photographique du Centre national des arts plastiques, Laure Flammarion, commissaire d’exposition et réalisatrice, également directrice du label de programmation artistique Honoré Visconti, Étienne Hatt, auteur et critique pour Artpress, Simone Klein, directrice monde des ventes de Magnum Photos, et la photographe Stéphanie Solinas.
Comment se prépare une telle manifestation ?
A.M. : Nous rencontrons les acteurs culturels pour les inciter à y participer et, si besoin, nous leur faisons des suggestions pour leur programmation. Il leur arrive ainsi d’accueillir certains artistes nous ayant sollicitées et que l’on veut soutenir… Nous avons à cœur de défendre le patrimoine de Saint-Germain, tout en montrant son dynamisme. Ainsi, nous sommes autant attentives à l’ouverture de nouveaux lieux qu’à faire connaître des espaces insolites et secrets, comme par exemple la maison du philosophe du XIXe siècle Auguste Comte, située rue Monsieur-le-Prince.
V.H. : Il s’agit d’un appartement-musée dans la veine du musée national Eugène-Delacroix, ancien atelier du peintre. Ces adresses, inhabituelles et hors circuit de la photographie, présentent l’une comme l’autre des auteurs contemporains, respectivement Amaury da Cunha et Mohamed Bourouissa, dont les univers sont en parfaite résonance avec leur caractère intime. C’est pour ces lieux l’occasion de faire venir un nouveau public et de «rythmer» leur programmation. C’est ça, l’esprit du festival : réunir des publics très variés et attirés aussi bien par des auteurs connus et «rassurants», comme Henri Cartier-Bresson, Marc Riboud ou encore Raoul Ubac, que par des contemporains voire des artistes émergents.
Quels sont les lieux participant pour la première fois cette année ?
A.M. : L’Institut culturel italien, avec Guido Guidi et un travail sur cinq architectures emblématiques du Corbusier ; la Monnaie de Paris, qui vient de rouvrir, avec une exposition sur les femmes ne portant pas exclusivement sur la photo, mais qui rassemble de grands noms comme Cindy Sherman et Claude Cahun ; la galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois également, avec Alain Bublex… C’est un signe fort qu’un espace de cette envergure, ultracontemporain et reconnu, participe à PhotoSaintGermain.
V.H. : Citons encore l’église Saint-Germain-des-Prés, accueillant une série d’Anton Roland Laub sur les églises déplacées de Bucarest, et un partenariat avec le musée Rodin, qui, dans le cadre du centenaire de la mort du sculpteur, organise un colloque dont une matinée sera consacrée à la relation entre photographie et sculpture. Enfin, la célèbre librairie Shakespeare and Company participe également pour la première fois en installant un corner, dédié à l’édition de livres de photographie anglais, associé à un programme de conférences et de dédicaces. Un projet produit par l’agence Too Many Pictures, sur une idée de Matthieu Nicol.

Alain Bublex (né en 1961), Plan Voisin de Paris - V2, Circulaire secteur A23, 2015. © Alain Bublex, courtesy galerie GP & N Vallois, Paris
Alain Bublex (né en 1961), Plan Voisin de Paris - V2, Circulaire secteur A23, 2015.
© Alain Bublex, courtesy galerie GP & N Vallois, Paris

Quels sont vos coups de cœur ?
A.M. : Boutique emblématique, Deyrolle (maison fondée en 1831, spécialisée dans la taxidermie et la naturalisation, ndlr), qui participe chaque année avec un artiste en lien avec l’esprit des lieux. Elle présente une jeune photographe, Léa Habourdin, avec une installation qui revisite sa série «And Everything Becomes Nothing Again», portant sur un nid de balbuzards surveillé vingt-quatre heures sur vingt-quatre par une équipe de scientifiques, à la frontière de l’Estonie et de la Lettonie.
V.H. : Pour ma part, je citerais l’exposition Weegee, réunissant quarante-quatre tirages d’époque dont des inédits à la galerie Meyer Oceanic Art & Eskimo Art, laquelle invite comme chaque année la galerie munichoise Daniel Blau, ou encore celle d’Alexander Chekmenev, à la galerie Folia. Au moment de l’éclatement du bloc soviétique, il a sillonné l’Ukraine pour photographier les habitants qui ne pouvaient se déplacer pour faire leur photo de passeport. Un étonnant portrait en creux de ce pays à une époque charnière.
PhotoSaintGermain dure deux semaines et demie. N’est-ce pas un peu court ?
A.M. : Cela présente l’avantage de maintenir un dynamisme tout au long de la manifestation. Et précisons que la période est judicieuse, puisque nous «encadrons» Paris Photo, en commençant un peu avant et en terminant après cette foire qui donne le tempo de l’actualité photographique parisienne à l’automne.
V.H. : Outre les expositions, des événements gratuits rythmeront le festival : des tables rondes, des colloques, des projections, etc. Certains de ces rendez-vous sont exceptionnels, comme des visites privées par petits groupes, et sur inscription, de la collection photographique des Beaux-Arts de Paris. Comme l’an dernier, nous organisons à l’hôtel de l’Industrie trois rencontres, en partenariat avec la fondation Carmignac, qui aborderont les thèmes de la place de la femme dans la photographie, du futur du photojournalisme ou encore la question de l’archive photo. Le très positif bilan de fréquentation des tables rondes organisées l’année dernière nous a incitées à renouveler ce type de proposition.
Comment fonctionnez-vous d’un point de vue économique ?
V.H. : Il y a d’une part l’apport financier des lieux participants, qui prend la forme d’une cotisation une fois le projet sélectionné par le jury, et d’autre part les partenaires privés ou publics que nous sollicitons. Notre budget tourne autour de 60 000 €. Pour la première fois, nous sommes soutenus par le ministère de la Culture : il finance notre commande passée à un photographe, qui est cette année le duo Johanna Benaïnous & Elsa Parra, pour le visuel officiel du festival. La série réalisée à cette occasion fait l’objet d’une exposition à l’Espace des femmes - Antoinette Fouque, dans le 6e arrondissement.
Quel est le bilan de la précédente édition et quelles sont vos attentes pour celle-ci ?
A.M. : Nous avons accueilli l’an dernier environ 20 000 visiteurs et eu un retour positif des galeries, dont certaines ont enregistré jusqu’à cent personnes par jour, ce qui est beaucoup ! Cette année, nous espérons continuer à intéresser un public large et diversifié, rassemblant aussi bien des passionnés de photo que les habitants du quartier. Le fait que le Mois de la photo se tienne désormais au printemps désengorge l’actualité du mois de novembre, qui devenait peut-être trop riche en événements sur le médium. Nous devrions donc gagner en visibilité.
V.H. : Notre ambition est de fédérer les lieux afin de créer des ponts entre les différentes institutions. Ainsi, pour l’année prochaine, nous travaillons déjà à un partenariat entre le théâtre de l’Odéon et les Beaux-Arts, qui prendrait la forme d’une commande passée aux étudiants et dont les images seraient exposées sur les grilles du théâtre. Pour le futur, nous souhaiterions également avoir les moyens financiers d’inviter des commissaires d’exposition et de louer des lieux, comme des appartements, pour présenter nos propres expositions. Les idées ne manquent pas !

VIRGINIE HUET ET AURÉLIA MARCADIER
EN 5 DATES
© Laurent Champoussin
© Laurent Champoussin


1980/1987
Naissance d’Aurélia à Paris et de Virginie à Rouen
2004/2008
Aurélia obtient sa maîtrise d’histoire de l’art et intègre la galerie et maison d’édition Area. Virginie est diplômée de l’Icart, après une licence en histoire de l’art à la Sorbonne, et intègre le magazine Connaissance des arts
2013/2014
Virginie devient chargée de mission du Mois de la photo. Aurélia fonde Temple, dédié à la photographie émergente et à l’édition, avec Valérie Fougeirol, Pierre Hourquet et Anna Planas
2015
Virginie et Aurélia reprennent la direction de PhotoSaintGermain
2016
Elles fondent l’agence Marcadier Huet et assurent la coordination générale du salon Multiple Art Days
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