Cinq «Spatial» des années 1960 ouvrent l’exposition rennaise dédiée à Marcelle Cahn (voir Gazette n° 2, page 150). Emblème et point d’achèvement d’un cheminement artistique marqué par les avant-gardes, ses fuselages blancs en relief, au vocabulaire géométrique animé de pastilles colorées, disent le temps des nouveaux défis humains, l’aventure des premiers pas sur la Lune, le progrès rationnel, la mobilité et cet ailleurs dont les fusées ont ouvert le champ. Mises en exergue afin d’entrer d’emblée dans l’œuvre de l’artiste, ces pièces inaugurent un accrochage sobre d’une quarantaine de toiles, collages et compositions qui relisent, chronologiquement et avec rigueur, les grandes étapes de sa production. Les influences y sont visibles, de Paul Cézanne à Amédée Ozenfant, de Fernand Léger à Piet Mondrian, et toutes clament une «quête d’espace», qui donne son titre à l’événement. De nus cézanniens en empreintes fauves et expressionnistes, captées à Berlin dans ses jeunes années (Femme au canapé), Marcelle Cahn bascule dans les années 1920 dans une approche à mi-chemin entre figuration et abstraction. Se tenant à distance du cubisme, elle n’en explore pas moins l’école puriste (Guitare et éventail) et conjugue, de sa touche poétique, aplats de couleurs et motifs en premier plan pour susciter relief et profondeur. Familière du Corbusier, cette plasticienne qui traversa les avant-gardes sans s’y soumettre cultive une fascination pour la modernité en mouvement (Avion forme aviatique), l’abstraction radicale, géométrique, et la lumière que convoque l’art cinétique. Cette exposition épurée et sensible est le dernier volet d’un hommage muséal à l’artiste précédemment rendu à Strasbourg, sa ville natale, et à Saint-Étienne, dont elle a enrichi les collections. À Rennes, elle avait rejoint en 1961 le groupe expérimental Mesure, dédié à la recherche plastique. Hommage donc à une pionnière discrète pour qui espace et avenir étaient autant de promesses.