Avec une préemption et des prix largement supérieurs aux attentes, la couture ouvrait allègrement le bal des enchères de Drouot.
Le programme, partant de la documentation sur la mode et les étoffes avant de présenter quelques papiers peints (voir page de gauche) puis de prendre la direction de la mode d’hier et des tissus anciens – le tout provenant de collections particulières –, avait de quoi retenir l’attention des amateurs. Cela s’est vérifié avec de belles enchères obtenues pour des pièces rares, à l’image d’une paire de souliers XVIIIe et d’une dalmatique (page de droite également), et la reconnaissance des institutions avec la première préemption de l’année à Drouot : celle du musée des Arts décoratifs, portée à 14 168 € sur une robe de bal de la maison Worth (ci-contre). Celle-ci, coupée dans un lampas de soie rose à motifs de feuillage et de roses, est de ces modèles qui vous dessinent une silhouette. Avec son corsage baleiné en pointe lacé et agrafé dans le dos, ses manches courtes bouillonnantes, son décolleté souligné de lignes de strass et de tulle et sa jupe à longue traîne en arrondi scandée de quatre hauteurs de volant, cette robe résume le génie créateur de Worth. Elle provenait, selon le catalogue, de la «garde-robe de l’une des plus élégantes Parisiennes et grandes clientes de la maison vers 1900». Nul doute que la griffe du couturier d’origine anglaise savait la soigner et lui réserver ses plus belles tenues. Fort du soutien de l’impératrice Eugénie, dont il est le fournisseur privilégié, Charles Frederick Worth (1825-1895), débarqué à Paris au printemps de 1846 avec 117 francs en poche et sans parler un mot de français, change à jamais le monde de l’habillement par un geste fort. Tel un artiste officiel, il appose son nom sur chacune de ses créations. Si cela semble naturel aujourd’hui, c’était à l’époque une petite révolution. Cette toilette ravissante, dessinée vers 1900-1905, alors que la maison est désormais dirigée par ses deux fils Gaston (1853-1924) et Jean Philippe (1856-1926), est bien sûr griffée. Elle vient rejoindre un fonds riche de quarante robes dûment signées, mais dont beaucoup sont fragilisées et difficilement montrables. Celle-ci, en bel état, devrait donc pouvoir être rapidement exposée.