En mettant l’accent sur le XXe siècle, la vénérable foire a réussi son ancrage sur la côte est, ouvrant sur l’Amérique tout entière, réservoir prometteur d’amateurs et de collectionneurs.
Dans un calendrier des foires très encombré, lancer une nouvelle manifestation ne va pas de soi. Mais il y avait une place à prendre à New York pour le XXe siècle, et la Tefaf l’a saisie. En même temps que Frieze et, en théorie, à la veille des grandes ventes du soir consacrées à l’art impressionniste et moderne puis d’art contemporain reportées d’une semaine cette année en raison de la Biennale de Venise , la Tefaf New York Spring a réussi son pari. La foire créée à Maastricht voici trente ans avait besoin d’innover dans un contexte où les visiteurs américains se font plus rares dans les allées de l’édition néerlandaise, et face à l’évolution des goûts vers l’époque récente. En élisant domicile dans le «vieux» bâtiment du Park Avenue Armory, datant de la fin du XIXe siècle, elle s’est rapprochée des résidents new-yorkais. Ceux-ci sont venus nombreux, du 4 au 8 mai, souvent en voisins de l’Upper East Side. Parmi eux, la star Leonardo di Caprio, qui a passé deux heures sur place, ou le magnat de la finance et des médias Michael Bloomberg, l’un des dix hommes les plus riches du monde.
Stands thématiques
Cette (très) bonne société a pu découvrir bon nombre d’enseignes européennes fidèles à la foire de Maastricht mais peu ou pas présentes à New York, dont seule une partie expose aussi en novembre à la foire The Salon Art + Design. Elle a aussi pu retrouver des poids lourds de l’art contemporain établis entre autres à New York, dont Acquavella, Hauser & Wirth, Helly Nahmad, Van de Weghe ou David Zwirner. Certains d’entre eux ont déployé de réels efforts pour séduire les visiteurs avec des stands thématiques. Di Donna a servi aux convives un «banquet surréaliste» de Max Ernst à Hans Bellmer en passant par de minuscules fleurs sous cloche de Tom Wesselman, le tout remportant un franc succès commercial. Francis Naumann consacrait l’essentiel de son stand à Marcel Duchamp et à ses proches, dont Jacques Villon. La galerie suisse Gmurzynska se séparait entre autres d’une importante œuvre de Matta autour d’1 M$, l’une des pépites de son stand tapissé de miroirs et de néons. Basquiat était présent sur maints stands avec des œuvres grimpant à 8 M$, le curseur chronologique allant jusqu’à Sol LeWitt, Fontana, Ed Ruscha ou encore l’art cinétique, en particulier chez Emmanuel Perrotin, qui a reçu «beaucoup d’intérêt pour Hartung ainsi que des ventes à de bonnes collections américaines». Si l’écrin de l’Armory ne présente pas que des avantages, il a évité les déboires de Frieze New York, menacée par les pluies torrentielles qui se sont abattues, le lendemain de son vernissage, sur BigApple. La manifestation a attiré 15 000 visiteurs le même chiffre que pour l’édition d’automne pour 93 galeries quand Tefaf Maastricht en a compté 275 et engrangé 71 000 visites. Mais si l’on cumule Tefaf Fall et Spring, soit 30 000 personnes, la fréquentation est loin d’être négligeable pour un lancement. Dans l’ensemble ravis, les exposants ont rencontré des habitants de Manhattan, de toute l’Amérique, y compris latine, mais aussi des Européens. À l’instar de Londres, «New York est une ville monde», souligne le marchand Franck Prazan. Il serait dommage de ne pas en profiter.