Pour sa 8e édition, du 11 au 16 mai, la manifestation de la côte Est a déroulé le tapis rouge aux solo shows, au design et aux artistes femmes.
La Tefaf a ouvert le bal de la saison printanière du marché de l’art new-yorkais, qui s’annonce d’ores et déjà au beau fixe – à elles seules, les ventes du soir de Christie’s ont totalisé plus de 750 M$ pendant la semaine de la manifestation. Art moderne et contemporain, design, joaillerie, antiquités… dès son avant-première, le 11 mai, la foire, installée dans le bâtiment néogothique du Park Avenue Armory, affichait un tourbillon d’œuvres de toutes les époques et une cascade de belles ventes réalisées par ses 91 exposants. Une édition resserrée, par comparaison à l’événement de Maastricht – qui a accueilli 270 participants au mois de mars –, mais misant sur le sélectif en se démarquant notamment grâce à sa riche section design. Dans un contexte économique morose, la Tefaf New York avait déjà renoué avec le succès dans une euphorie de retrouvailles en 2022, après plus de deux ans d’absence. Les enseignements de la pandémie avaient alors été tirés par l’équipe dirigeante. Après un lancement aux États-Unis, avec deux sessions annuelles à New York, la foire avait supprimé son édition automnale pour se concentrer sur le printemps, la belle saison des grandes ventes aux enchères d’art moderne et contemporain de Christie’s, Phillips et Sotheby’s. Sous la houlette de Bart Drenth, nouveau directeur général nommé en décembre 2022, l’événement new-yorkais confirme l’efficacité de cette stratégie, confortée par une forte présence des musées américains.
Achat d’institutions
Dès le premier jour, la Lisson Gallery a conquis un collectionneur en Asie avec une nouvelle œuvre de Sean Scully, Wall Dark Blue (2022). Richard Green a trouvé preneur pour une peinture de Winston Churchill et une sculpture d’Henry Moore. La galerie Perrotin, qui a choisi de faire dialoguer des peintures abstraites historiques de la seconde école de Paris et des œuvres d’artistes contemporains, a cédé des pièces de la série «Issu du feu», de Lee Bae, entre 100 000 et 200 000 $ et de celle intitulée «Odore di femmina» de Johan Creten entre 25 000 et 60 000 $. Les solo shows sont plus que jamais tendance. La Gladstone Gallery a vendu tout le contenu de son stand consacré aux dessins thaïlandais de Robert Rauschenberg de 1983, dont le prix était de 90 000 $ chacun. Le premier jour encore, la galerie Di Donna se séparait de plusieurs œuvres du solo show de Meret Oppenheim dont une sculpture, qui rejoignait une grande institution américaine, ainsi que trois œuvres sur papier. David Zwirner a vendu de nombreuses œuvres de Josef Albers à un musée asiatique dans le cadre d’un solo show de l’artiste axé sur les peintures de sa série «Variant/Adobe». Chez Peter Freeman, un autre musée achetait Untitled (Man and His Symbols) de Matt Mullican, ainsi qu’un collage et une encre sur papier dont le prix demandé était de 185 000 $.
Pensée constructive
Le design était particulièrement à l’honneur. Avec l’architecte d’intérieur Jacques Grange, Kamel Mennour a mis en scène le spectaculaire Sauterelle Bar de François-Xavier Lalanne, à la fois meuble et sculpture d’acier et de laiton poli, créé en 1974. Ce projet de collaboration, intitulé «Un goût parisien», recréait l’atmosphère d’un salon parisien fantasmé. Les pièces des Lalanne ont aussi retenu l’attention à la galerie Mitterrand : la sculpture Singe Attentif SI (1992), de François-Xavier, partait pour 1,7 M$ et d’autres objets de design, de Claude, entre 20 000 et 650 000 $. Pour sa part, la galerie Patrick Seguin avait préparé une sélection de pièces de Jean Prouvé, Charlotte Perriand et Pierre Jeanneret, figures emblématiques du design et de l’architecture du XXe siècle. On pouvait notamment y admirer un rare escabeau roulant de Prouvé, réalisé pour les salles des coffres de la BNP Paribas à Paris, vendu chez Ader à Drouot le 24 janvier dernier. Avec ce choix recentré sur la «pensée constructive» chère à l’architecte et au designer, Patrick Seguin a enregistré de beaux succès, telles les ventes d’une rampe d’éclairage de 1954, fabriquée à seulement douze exemplaires, ou encore de deux buffets et une lampe, mais aussi d’étagères de Charlotte Perriand. Cette 8e édition de l’événement new-yorkais était placée sous le signe d’artistes pionnières des XXe et XXIe siècles. On y retrouvait le monde surréaliste de Meret Oppenheim chez Di Donna, les textiles sculpturaux de Hanne Friis chez Maria Wettergren, les abstractions audacieuses et colorées de Shirley Jaffe chez Obadia, les motifs uniques d’Ingrid Donat à la Carpenters Workshop Gallery ou encore les compositions constructivistes de Verena Loewensberg à la Mayor Gallery. Tina Kim a cédé une œuvre de Pacita Abad entre 50 000 et 100 000 $, tandis que tout le stock des artistes femmes de la galerie Gisela Capitain est parti dans les mains de collectionneurs dès le premier jour — notamment des œuvres de Gillian Carnegie, Isabella Ducrot, Jadé Fadojutimi et Laura Owens. La Galleria Continua a vendu Empath 026 de Kiki Smith, Almine Rech deux créations de Chloe Wise entre 40 000 et 55 000 $, et White Cube trouvait preneur pour des œuvres de Marlene Dumas et deux peintures de Tracey Emin. Concernant Hazlitt Holland-Hibbert, deux œuvres sur papier de Bridget Riley étaient cédées pour 200 000 $ chacune. Les ténors de la foire ont ainsi fait la part belle aux femmes. On ne peut que s’en réjouir !