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SNA : remous chez les antiquaires

Publié le , par Vincent Noce

L’élection de Laurent Kraemer et de Camille Bürgi au conseil d’administration du Syndicat national des antiquaires en décembre a produit quelques vagues parmi leurs pairs. Certains ont présenté leur démission du syndicat, d’autres, plus discrets, ont confié qu’ils comptaient prendre le large, sans proclamation. Pour Laurent...

  SNA : remous chez les antiquaires
 

L’élection de Laurent Kraemer et de Camille Bürgi au conseil d’administration du Syndicat national des antiquaires en décembre a produit quelques vagues parmi leurs pairs. Certains ont présenté leur démission du syndicat, d’autres, plus discrets, ont confié qu’ils comptaient prendre le large, sans proclamation. Pour Laurent Kraemer, elle représente une forme de réhabilitation. Depuis 2016, il est mis en examen dans l’affaire des faux sièges vendus au château de Versailles. Sa galerie avait alors dû se retirer de la Biennale des antiquaires, organisée par le syndicat, lequel «prit acte» de cette décision. La galerie Aaron, qui n’avait pas voulu suivre le mouvement après la confession de son responsable du mobilier, Bill Pallot, fut exclue du salon. Depuis, la Biennale, un temps l’un des événements les plus prestigieux du marché de l’art dans le monde, a d’elle-même signé l’acte de son décès. L’élection de Laurent Kraemer et celle de Camille Bürgi, qui ne comptent pas que des amis au sein de la profession, tiennent peut-être du banal concours de circonstances. Dix-sept sièges étaient à pourvoir pour constituer le conseil. Sur les 230 membres du syndicat, seize se sont portés candidats. Ils étaient donc automatiquement élus, fût-ce avec une seule voix (en fait, ils ont franchi le seuil de la moitié des votes). Depuis, voyant la controverse poindre, Laurent Kraemer a choisi de se mettre en retrait de cette instance. Revenu à la présidence du SNA, avec près de 90 % des voix, Mathias Ary Jan espère donc clore l’épisode, tout en ne manquant pas de rappeler que Laurent Kraemer bénéficie de la présomption d’innocence. Néanmoins, les remous qui continuent d’agiter le microcosme témoignent des blessures qu’inflige l’activité des faussaires à toute une sphère, aggravant la désaffection envers le mobilier ancien. Comme l’ont souligné les auteurs du récent rapport sur les moyens de renforcer la recherche de provenance, les pouvoirs publics ont leur part de responsabilité en laissant traîner les instructions au-delà du raisonnable.

Plusieurs scandales, toujours irrésolus, affaiblissent les instances représentatives du marché de l’art

Cela fait sept années qu’a éclaté une série retentissante de scandales de supposés faux meubles de l’Ancien Régime, impliquant également l’antiquaire Jean Lupu ou la famille Poisson, sans que ne se profile le moindre procès. Cela fait huit ans que Gérard Lhéritier a été mis en examen et l’entreprise Aristophil acculée à la faillite. Cela fait dix ans qu’une prétendue collection de fausses photographies anciennes a été dispersée à Deauville. Les victimes ne peuvent se faire rembourser. Ceux qui sont présentés, à tort ou à raison, comme les principaux suspects d’escroqueries portant sur des dizaines voire des centaines de millions d’euros vivent sous le régime du soupçon, dont Francis Bacon disait qu’il était parmi nos pensées comme les chauves-souris parmi les oiseaux, toujours voltigeant dans l’obscurité. Leur réputation est atteinte, leur entreprise sabordée, sans qu’ils puissent se défendre publiquement et clore un chapitre de leur vie. Les enquêteurs voient leur travail partir en fumée. Le monde de l’art dans son ensemble, des acteurs du marché aux conservateurs des musées, reste durablement atteint dans son image. Aucun garde des Sceaux, héritier de Francis Bacon, n’ose rappeler à l’ordre une magistrature exsangue, laissant courir une situation qui devrait faire honte à la France. Ces scandales toujours irrésolus affaiblissent d’autant les instances représentatives du marché de l’art, déjà fractionné entre syndicats, compagnies, cercles, antiquaires, commissaires-priseurs, galeristes, artistes, experts et autres courtiers. Ce morcellement, tout comme l’absence d’un interlocuteur privilégié au sein de l’exécutif, rendent d’autant plus difficile l’expression d’une parole forte d’un secteur dont l’impact culturel et économique mériterait davantage de respect et d’attention.

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