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Quand Napoléon Bonaparte offrait une paire de pistolets de Boutet à un officier...

Publié le , par Claire Papon
Vente le 26 mai 2023 - 11:00 (CEST) - Salle 1 - Hôtel Drouot - 75009

À l’abri des regards dans une collection française depuis de nombreuses années, un coffret de pistolets offerts par Bonaparte pourrait voir les amateurs se livrer une belle bataille… d’enchères.

Manufacture Boutet à Versailles, époque Consulat. Coffret-nécessaire plaqué d’acajou,... Quand Napoléon Bonaparte offrait une paire de pistolets de Boutet à un officier...
Manufacture Boutet à Versailles, époque Consulat. Coffret-nécessaire plaqué d’acajou, contenant une paire de pistolets d’officier de marine en acier bleui, granité et damasquiné d’or, garnitures en argent ciselé, dim. coffret : 50 31,5 10 cm. Estimation : 300 000/320 000 

Bernard Croissy, l’expert de la vente, est un homme mesuré dans ses propos mais, cette fois, il n’hésite pas à s’enflammer. «Les boîtes ayant un historique comme celle-ci et une attribution à Bonaparte sont extrêmement rares. Qui plus est s’il s’agit de pistolets de marine, c’est mythique, et cela fait rêver les collectionneurs depuis des années», explique-t-il. Les propriétaires ont beau être «gourmands», nos pistolets – en parfait état de conservation – devraient être âprement disputés par un public d’Américains, d’Anglais et, espérons-le, de Français. Publié en 1903 dans l’ouvrage du capitaine Maurice Bottet, Nicolas Boutet et la manufacture de Versailles an II - 1818, le coffret appartient alors au prince Vicovaro. Puis, il figure au catalogue de la cinquième vente de la collection d’armes blanches et à feu de Jean-Jacques Reubell (1850-1933), les 23 et 24 mars 1934 à l’Hôtel Drouot. Passé ensuite dans celle du médecin normand Pierre Geisz, il est cédé aujourd’hui par ses héritiers. Si son historique est éloquent, impossible en revanche de savoir quand il est sorti de chez son récipiendaire, Diego Butrón (ou Bulron) y Cortés. Né à Medina Sidonia, dans la province de Cadix, cet Andalou débute son service militaire comme garde-marine le 5 novembre 1773. Embarqué sur les vaisseaux Princesa et San Pedro, affectés à la protection des bateaux venant d’Amérique, il est promu sous-lieutenant de frégate en 1779 et prend part à la première campagne du canal de la Manche sur L’Atlante. Lancée dans la guerre d’Amérique, la France a fort à faire avec les puissantes escadres de la Perfide Albion. Comme son prédécesseur, Louis XVI, retenu par ses scrupules, laisse à l’Angleterre l’initiative du premier coup de canon, ce qui ne favorise pas forcément la tâche des marins français. L’Espagne se décide enfin à entrer dans la danse, Madrid refusant absolument de reconnaître les États-Unis d’Amérique mais espérant profiter du conflit pour reconquérir Gibraltar, possession anglaise.

De Cadix à Brest
En 1782, Diego Butrón y Cortés est sur la Péninsule, où les forces franco-espagnoles sont mobilisées, navales et terrestres. Deux ans plus tard, il participe au bombardement d’Alger, puis à la guerre contre la République française – il s’empare alors de la frégate Belle Hélène – et enfin à la bataille du cap Saint-Vincent, épisode du blocus du port de Cadix par la Royal Navy, sous la conduite d’un certain Horatio Nelson… En août 1799, il pose le pied à Brest, où il a été affecté à l’escadre française de l’amiral Bruix. Déjà effectif depuis la Révolution, le blocus du port breton par les Britanniques se poursuit. Ces derniers, ne pouvant entrer dans la rade, dont le goulet est trop exigu, empêchent la flotte de Bonaparte d’en sortir… La Marine française, aidée de l’Espagne, fait des ronds dans l’eau. Les deux puissances séjourneront dans le port de Brest jusqu’au 29 avril 1802. L’attente fastidieuse est coupée par l’annonce d’une sortie : l’expédition à Saint-Domingue, destinée à transporter argent et documents, quitte Brest le 14 décembre 1801, emmenant sept navires espagnols dont le brigantin Vigilante commandé par Butrón y Cortés. Puis la monotonie de l’inaction s’appesantit à nouveau sur l’escadre alliée jusqu’au traité d’Amiens, signé le 25 mars 1802 entre le Royaume-Uni d’une part et la France, l’Espagne et la République Batave de l’autre. La paix ne durera que treize mois… Le détachement parti pour Saint-Domingue ne reviendra pas en Bretagne : il appareillera de La Havane le 22 avril 1802, et rejoindra le reste de la flotte à Cadix le 25 mai. Les choses ne s’arrêtent pas là pour notre Andalou… Capturé à bord du Firma le 22 juillet 1805, lors de la bataille du cap Finisterre, il est conduit à Plymouth, d’où il revient – enfin – en Espagne et poursuit sa carrière. Il meurt à Madrid en 1842.

Cadeaux diplomatiques
Mais revenons à nos pistolets… Soucieux de donner à l’escadre espagnole de Brest un témoignage de sa satisfaction, Bonaparte offre à chaque capitaine espagnol un sabre d’abordage avec son ceinturon et son plateau, et une paire de pistolets de la manufacture Boutet. Un beau présent diplomatique quand on sait que Nicolas-Noël Boutet (1761-1833) travailla principalement sur les armes de récompense, d’honneur et de luxe, aussi bien blanches qu’à feu, et que la qualité d’exécution et l’originalité de ses modèles lui valurent une renommée mondiale… Si l’on a perdu trace du sabre reçu par le capitaine Butrón, les pistolets sont arrivés jusqu’à nous. On connaît à ce jour quatre autres coffrets donnés par le Premier consul à cette occasion. Celui de l’ex-collection Keath Neal attribuée au capitaine Valdés commandant du Neptune, et celui sorti dans le commerce international en 2005 donné au capitaine Coronado, à la tête du brigantin Le Découvreur, sont conservés dans des musées américains. Les deux autres font partie des collections du musée de la Marine de Madrid. Autre vestige enfin, une somptueuse armure de la manufacture de Versailles dans un coffret portant la même dédicace, donnée à l’amiral Gravina, commandant la flotte, comprenant une carabine à crosse en noyer sculpté plaqué de motifs en or, une paire de pistolets d’arçon de même facture, une paire de pistolets de poche à crosse d’ébène plaqué d’or, un sabre d’amiral à garde en forme de proue, au fourreau orné de nacre. Nos armes sont ornées de croissants de lune, de deux navires, de globes terrestres, de rames, de tridents, d’ancres, de coquillages, d’une coque de bateau stylisée, de deux dauphins sortant des flots… Coup de feu en ligne de mire le 26 mai prochain !

vendredi 26 mai 2023 - 11:00 (CEST) - Live
Salle 1 - Hôtel Drouot - 75009
Thierry de Maigret
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