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Les galeries et la TVA : tout un «art fiscal»

Publié le , par Ophélie Dantil

Quel régime un galeriste doit-il choisir pour l’application de la TVA, et dans quel cas ? Quels sont les avantages et les contraintes de chacune des options en cas de vente d’une œuvre d’art ? Réponses.

   Les galeries et la TVA : tout un «art fiscal»
  
© Nicolas Vial

La TVA appliquée aux galeries est complexe et nécessite de rappeler quelques principes fiscaux fondamentaux. Toute opération réalisée à titre onéreux par un assujetti (c’est-à-dire quiconque exerce, d’une façon indépendante, une activité économique, activité de producteur, de commerçant ou de prestataires) est soumise à TVA, sauf cas d’exonération ou de franchise. Celle-ci est supportée par le consommateur final, mais versée indirectement par le vendeur assujetti. Seules sont soumises à la taxe les opérations réalisées à chacun des stades de la production et de la distribution des biens et services. Le droit à déduction permet d’effacer cette imposition chez tout acheteur qui utilise ces biens et services pour les besoins d’opérations également imposables (TVA collectée moins TVA déductible). L’exercice du droit à déduction permet d’atteindre l’objectif de neutralité fiscale et économique qui s’attache à cet impôt. Ainsi, le prix du bien, au stade de la consommation finale, ne supporte qu’une seule fois la taxe. Le régime de la marge a été mis en place afin d’éviter qu’un bien d’occasion, œuvres d’art, objet de collection ou d’antiquité, c’est-à-dire un bien qui a déjà fait l’objet d’une taxation à la TVA définitive lors de son appropriation par un consommateur final, soit à nouveau taxé lors de sa réintroduction dans le circuit commercial. La taxation sur la marge s’applique donc uniquement aux ventes réalisées par une galerie, d’œuvres d’art qui lui ont été livrées par un non-redevable de la TVA (un particulier) ou par une personne qui n’est pas autorisée à facturer la TVA au titre de cette livraison (un artiste qui bénéficie de la franchise en base de la TVA, selon l’article 293 B du CGI), ou par un redevable qui a soumis la vente précédente à une taxation sur la marge (par exemple une autre galerie). Dans ces situations, en effet, aucune TVA n’a été facturée à la galerie. En revanche, la taxation sur la marge n’est pas applicable si de la TVA a été facturée à la galerie lors de son acquisition et que cette dernière a pu la déduire. Tel est le cas lorsque l’objet a été importé, puisque l’importation d’œuvres d’art est soumise dans tous les cas à la TVA au taux de 5,5 %. Il en va de même lorsque l’œuvre a été achetée auprès d’un artiste assujetti à la TVA qui a facturé de la TVA sur sa vente à un taux de 5,5 %, et lorsqu’elle a fait l’objet d’une acquisition intracommunautaire taxable en France. Dans ce dernier cas, la TVA est « autoliquidée » par la galerie qui a acheté l’œuvre. Le taux est de 5,5 % si celle-ci a été acquise auprès d’un artiste résident d’un autre État membre de l’Union européenne et assujetti à la TVA et de 20 % si l’œuvre a été acquise auprès d’une galerie située dans un autre pays membre de l’Union européenne et qui n’a pas opté pour le régime de la marge. La galerie revend alors l’œuvre à son client en ajoutant la TVA au taux de 20 % et déduit la TVA que l’artiste ou la première galerie lui a facturée. Le galeriste peut néanmoins décider d’appliquer le régime général à des opérations relevant normalement du régime de la marge et, à l’inverse, appliquer le régime de la marge aux opérations relevant normalement du régime général.

Le mécanisme du régime de la marge
Lorsque la marge s’applique, la galerie s’acquitte de la TVA au taux de 20 % (à l’occasion du dépôt de sa déclaration CA3). Celle-ci est calculée sur la différence entre le prix vendu au client et le prix d’acquisition. Cette marge dite TTC est convertie en marge hors taxe via l’application d’un coefficient de 0,833 % (ou divisée par 1/20). Prenons pour exemple une œuvre achetée 2 000 € auprès d’un particulier et revendue, 2 500 € taxe comprise. La base imposable est de 500 € taxe comprise et de 500 x 0,833, soit 416,50 € hors taxe. Le montant de la taxe due est donc de 83,30 € (416,50 x 20 %). La galerie a le choix entre calculer cette marge opération par opération système dit du « coup par coup » ou de façon globale. Cette dernière méthode implique que, chaque mois, la base imposable soit calculée en retenant la différence existant entre le montant total des ventes et le montant total des achats d’œuvres d’art. Une galerie qui opte pour le régime de la marge au lieu du régime général ne peut déduire la TVA acquittée sur l’acquisition de l’œuvre. Elle peut toutefois déduire la TVA liée aux éléments qui ont grevé le coût de son intervention : frais d’entremise ou de commission afférents à l’achat des biens sur lesquels porte son négoce, frais de réparation et de remise en état de ces biens, y compris les frais afférents aux matières premières utilisées pour cette remise en état. Si, au moment de son acquisition, la galerie a exercé l’option pour la marge, et qu’elle décide finalement de soumettre à la TVA, sur son prix total, la revente de l’œuvre, elle peut déduire la taxe afférente. Cependant, cette déduction ne peut intervenir qu’au moment de la livraison de l’œuvre. Si la galerie est sous le régime de la marge, elle ne peut bénéficier du régime fiscal des ventes à distance.

Régime de la marge ou régime général ?
D’autre part, le régime de la marge se distingue de celui de la marge forfaitaire de 30 %. Cette dernière s’utilise dans des cas limités, lorsqu’il n’est pas possible de déterminer avec précision le prix d’achat payé par la galerie à l’artiste, quand ce prix n’est pas significatif ou enfin lorsque l’œuvre vendue est détenue en stock depuis plus de six ans.
La galerie doit justifier d’actions de promotion en faveur d’artistes ou d’œuvres ou de l’existence de contrats avec des artistes. Pour les galeries qui remplissent cette condition, l’application de la marge forfaitaire n’est pas limitée aux seules œuvres des artistes objets de ces actions de promotion ou contrats. La base d’imposition est alors constituée par une fraction du prix de vente égale à 30 % de celui-ci.
Ainsi, pour un tableau vendu 15 000 € TTC (TVA à 20 %), le prix HT est de 14 145 €, soit 15 000 x 0,943 (coefficient correspondant à un taux effectif de 20 x 30 % = 6 %). La base d’imposition sera donc de 4 244 €, soit 14 145 x 30 %, et la TVA correspondante de 848,80 € (4 244 €).
En conclusion, la galerie peut privilégier le régime de la marge chaque fois qu’elle vend une œuvre à un particulier vivant en France ou dans un autre État membre de l’Union européenne. En effet, le particulier ne peut déduire la TVA, celle-ci représente pour lui un coût supplémentaire qui s’ajoute à la valeur de l’œuvre. La facture doit expressément porter la mention «TVA sur la marge assujetti revendeur œuvre d’art». Lorsque le client (entreprise ou particulier) est un résident d’un pays tiers à l’Union européenne, la vente est exonérée de TVA française si la galerie peut justifier du fait que l’œuvre a été transportée de la France vers ce pays tiers. La galerie a intérêt à opter pour le régime général car elle n’a alors aucune TVA à payer sur son opération.
Lorsque le client est un assujetti à la TVA, la galerie s’orientera vers le régime général dès lors que le client est en mesure de déduire la TVA calculée sur le prix de l’œuvre. Lorsque l’acquéreur est un assujetti à la TVA dans un autre État membre, l’opération est exonérée de TVA en France et autoliquidée par l’acquéreur assujetti à la TVA dans son pays.
En règle générale, sauf exception, le régime général doit être privilégié lorsque, en raison des règles de territorialité de la TVA, celle-ci est acquittée hors de France et qu’elle peut être déduite par l’acquéreur. <


Ophélie DANTIL avocat spécialiste en droit fiscal, est membre de l’institut Art & Droit.

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