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Chronique 2020 de la fiscalité du marché de l’art

Publié le , par Jacques Fingerhut

Taxation des plus-values sur les objets précieux des particuliers, distinction entre le collectionneur et le commerçant, incidence de la TVA pour les professionnels, tels sont les points de droit précisés en 2020.

  Chronique 2020 de la fiscalité du marché de l’art
 

Le cadre légal dans lequel interviennent les acteurs du marché de l’art a fait l’objet des clarifications suivantes ces derniers mois.
Les modalités de taxation des plus-values sur les objets précieux des particuliers
La loi du 19 juillet 1976 portant imposition des plus-values et création d’une taxe forfaitaire sur les métaux précieux, les bijoux et les objets d’art, de collection et d’antiquités, est à l’origine des dispositions aujourd’hui codifiées aux articles 150 VI à 150 VM du CGI. Elle a instauré deux modalités d’imposition entre lesquelles le particulier peut opter : le régime général de taxation des plus-values sur biens meubles ; une taxe forfaitaire justifiée par l’inadaptation dans la plupart des cas du recours aux règles générales d’imposition, en raison des contraintes qu’elles comportent. Cependant, le législateur n’a pas prévu la possibilité d’opter pour la taxe forfaitaire lorsque les biens cédés sont situés hors de l’Union européenne (article 150 VI-II du CGI). C’est dans ce contexte qu’un contribuable a vendu plusieurs tableaux se trouvant en Suisse. La plus-value réalisée a donc été taxée selon le régime général (taux global de 36,2 %), alors qu’il aurait souhaité pouvoir bénéficier de la taxe forfaitaire (taux global de 6,5 %). En conséquence, il a introduit devant le Conseil d’État, d’une part, un recours pour excès de pouvoir contre la doctrine fiscale lui interdisant dans sa situation l’imposition à la taxe forfaitaire, et d’autre part, une demande d’examen par le Conseil constitutionnel de la conformité à la Constitution des dispositions législatives contestées. Jugeant le «caractère sérieux» de la requête, le Conseil d’État a transmis au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Les griefs du requérant ont été examinés par le Conseil constitutionnel – décision n° 2020-868 du 27 novembre 2020 – sur le fondement des principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques, dont il résulte que seul un motif d’intérêt général peut justifier une différence de traitement entre les contribuables. Le requérant contestait la distinction établie entre les contribuables en fonction de la localisation des biens sur le territoire d’un pays tiers à l’UE, entraînant de droit l’application du régime général de taxation. De plus, l'institution a analysé la règle de la taxation des exportations définitives, conduisant à assimiler selon le requérant cette sortie de l’UE à une cession. Après examen, le Conseil a déclaré non conforme à la Constitution les dispositions relatives à la différence de traitement entre les contribuables en fonction de la localisation des biens cédés, en l’absence d’un motif d'intérêt général. En revanche, il a jugé que les dispositions relatives à la taxation des exportations définitives avaient été instaurées par le législateur dans le souci de prévenir le risque de soustraction à l’impôt en cas de cession ultérieure. Il a donc choisi d’avancer le moment où la capacité contributive que confère la détention du bien est imposée. En conséquence, le grief de méconnaissance du principe d’égalité devant les charges publiques a été écarté.

Le calcul de la TVA  lors de la vente d’œuvres d’art par les galeries peut être effectué sur le prix de vente ou sur la marge réelle.

Une activité de nature commerciale n’est pas une occupation de collectionneur
L’administration peut être amenée à requalifier d’activité commerciale occulte des actes qui prennent l’apparence de la gestion de son patrimoine privé par un contribuable se présentant comme un collectionneur. Traditionnellement, pour asseoir cette caractérisation, la jurisprudence retient trois critères : la fréquence des opérations d’achat et de vente effectuées, l’importance des sommes en cause, la brève durée de détention des biens achetés puis revendus. Dans le cas d’espèce, l’administration a procédé à des opérations de contrôle et eu recours au droit de communication, l’ayant conduite à effectuer des rappels d’impôt sur le revenu et de TVA pour exercice non déclaré d’une activité commerciale poursuivie par un prétendu collectionneur. Le contribuable, docker salarié, n’a pas été considéré comme un collectionneur ayant constitué une cave personnelle de bouteilles de vin acquises auprès d’un particulier «sans but lucratif», en raison des actes de commerce qu’il a accomplis en procédant à leur revente au cours d’une période de trois ans. En effet, pendant les années 2010 à 2012, il a effectué trente-quatre ventes chez des cavistes au cours desquelles ont été cédées près de trois cents bouteilles lui ayant procuré plus de 186 000 €, soit plus du double de ses revenus salariés. Dès lors, il a été considéré par l’administration comme s’étant livré à titre habituel à une activité de négoce, bien que n’ayant pas eu recours à des moyens commerciaux analogues à ceux utilisés par un professionnel. De plus, ayant omis d’accomplir les formalités d’immatriculation auprès du CFE (centre des formalités des entreprises) ou du greffe du tribunal de commerce, il a fait l’objet de mesures d’évaluation d’office à l’impôt sur le revenu des sommes perçues dans la catégorie des bénéfices commerciaux, et de taxation d’office à raison de la TVA éludée. Ces rappels d’impôt ont été accompagnés d’intérêts de retard et d’une majoration de 80 % pour activité occulte. La procédure mise en œuvre et les rehaussements d’impôt ont été confirmés par le juge de l’impôt - cour administrative d'appel de Douai le 2 avril 2020.
La TVA
Les tatouages ne figurent pas sur la liste des catégories d’œuvres d’art (article 98 A de l'annexe 3 du CGI) pouvant bénéficier du taux réduit de TVA de 5,5 %. Ils ne peuvent pas non plus être soumis au taux réduit de TVA de 10 % relatif aux cessions de droits patrimoniaux reconnus par la loi aux auteurs des œuvres de l’esprit. En effet, le contrat liant le tatoueur et le tatoué est un contrat de prestation de services. Il ne présente pas les caractéristiques d’un contrat de cession de droits d’auteur. En conséquence, la réalisation d’un tatouage est une prestation de services qui est soumise au taux normal de TVA de 20 %. Le calcul de la TVA lors de la vente d’œuvres d’art par les galeries, peut être effectué sur le prix de vente ou sur la marge réelle. Il peut également être opéré sur la marge forfaitaire de 30 % du prix de vente, si le prix d’achat auprès du fournisseur remplit l’une des deux conditions suivantes : il n’est pas significatif, en raison de l’ancienneté d’entrée des œuvres d’art – plus de six ans – dans le stock du marchand ; il n’est pas possible pour celui-ci de déterminer avec précision l’ensemble des éléments qui entrent dans la détermination de son montant. Cette dernière situation correspond aux galeries dites de promotion. Elles participent à différentes manifestations telles que les foires et les expositions en faveur d’un artiste, d’un courant artistique ou d’un thème dont l’organisation amène à engager des dépenses variées – cartons d’invitation, catalogues ou affiches. La preuve de l’engagement d’actions de promotion peut être apportée par tout moyen. Au cas particulier, le juge de l’impôt considère que le régime de la marge forfaitaire n’est pas applicable à la requérante galeriste, dans la mesure où le prix d’achat des œuvres d’art auprès de chaque artiste a été établi en fonction d’une marge unique de 50 %. En outre, il relève que la requérante n’est ni en mesure d’établir le montant des œuvres d’art vendues à l’occasion des actions de promotion dont elle fait état, ni de démontrer que l'ensemble des ventes aurait eu lieu lors desdites actions de promotion - cour administrative d'appel de Marseille, 15 juillet 2020.

Jacques Fingerhut, avocat au barreau de Paris, docteur en droit, est membre de l’Institut Art & Droit


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