L’heure est à la méditation à la Fondation de l’Hermitage, qui propose un plongeon pensif dans les œuvres du taciturne Léon Spilliaert (1881-1946). Probablement comme son père, ce fils du parfumeur de la cour du roi Léopold II sait éveiller les sens et créer une atmosphère grâce à sa touche personnelle. Autodidacte, chétif et secret, l’artiste belge interpelle d’abord par son support de prédilection, le papier, qu’il habille de diverses techniques graphiques. Et de ses idées aussi étranges qu’intrigantes. Ainsi, parmi les cent trois œuvres exposées sur trois étages, dont vingt pour la première fois, on trouve des autoportraits aux allures de négatif photographique. Ou encore des figures solitaires de femmes dans des ambiances colorimétriques troublantes, voire angoissantes. La scénographie, elle, rythme le parcours par un savant fil rouge construit d’après les thématiques qui peupleront la vie et l’œuvre de l’artiste belge : la solitude existentielle, l’attente, la littérature, les arbres et les paysages, les autoportraits et les femmes. Sans oublier la mer du Nord. Celle qui bercera son enfance passée à Ostende, station balnéaire dont il n’aura de cesse d’arpenter la digue pour croquer lumières et lignes. « Contrairement aux expositions en France et au Royaume-Uni, l’Hermitage s’est employé à faire découvrir au public le Spilliaert coloriste. Sa série des marines témoigne du talent de celui qui se disait “désigné” pour ce travail », confie Anne Adriaens-Pannier, commissaire de l’exposition et experte de l’artiste. Grand lecteur de Nietzsche et de Schopenhauer, le Belge, qui a eu plus d’amis écrivains que d’amis peintres, pourrait être qualifié d’illustrateur intellectuel à la recherche, avant tout, d’une vérité spirituelle dans la pénombre de deux guerres mondiales. Comment est-il perçu dans le canton ? Les visiteurs pourront le découvrir dans l’accrochage des autoportraits des élèves suisses, réalisés en s’inspirant de ceux de Léon Spilliaert.