David Teniers pour auteur, la collection Abraham Bredius au pedigree... L’alchimie du succès semble toute contenue dans cette pittoresque scène d’intérieur.
Un choix de connaisseur. Cette toile signée David Teniers a en effet appartenu à Abraham Bredius (1855-1946), le collectionneur hollandais aujourd’hui encore considéré comme l’un des principaux experts en tableaux du XVIIe siècle. Il assura notamment, entre 1889 et 1909, la fonction de directeur du musée de La Haye, le Mauristhuis, laisse des ouvrages de référence sur Rembrandt et Jan Steen. Il a légué une grande partie de sa collection et de sa documentation aux institutions de son pays, un musée à son nom a d’ailleurs été fondé dans la capitale. Même si la fin de sa carrière a été entachée par la sombre et désormais célèbre affaire Van Meegeren – faussaire ayant réussi à faire passer plusieurs de ses toiles pour des Vermeer –, l’homme demeure un grand expert et un amateur confirmé. Au coeur de son imposante collection personnelle, se remarquait entre autres cet Intérieur d’alchimiste. Signée David Teniers le Jeune et datée de 1657, la toile, aux qualités esthétiques manifestes, devait de plus évoquer un souvenir personnel à Abraham Bredius. À la tête d’une fortune familiale confortable, il doit en effet ce statut à son père, fabricant de poudre à canon – la fameuse poudre noire inventée en Chine par le médecin et scientifique Sun Simiao, le premier alchimiste de l’histoire. Le tableau sera ensuite cédé par Bredius à la Galerie Goudstiker d’Amsterdam en 1919, pour finalement rejoindre la collection de Charles Huet. L’oeuvre devait restée dans la famille jusqu’à aujourd’hui. Depuis plus d’un siècle, L’intérieur d’un alchimiste a aussi fait les beaux jours de nombreuses expositions et ouvrages, prouvant le succès de ce genre de peintures, où le fourmillement des détails et des personnages offre un savoureux spectacle, celui des progrès de la science mais aussi du comportement humain. En ce XVIIe siècle, les cabinets de curiosités sont en pleine vogue et chacun peut se prendre pour un scientifique. Les premiers ouvrages sur ce thème sont imprimés. Qui n’a jamais rêvé d’immortalité ? Qui n’aimerait pas transformer les métaux en or grâce à la découverte de la pierre philosophale ? C’est toute cette effervescence que l’on retrouve dans l’Intérieur d’alchimiste.
Une multitude de fioles, pots en terre et livres jonchent le sol et les étagères, tandis que des apprentis s’affairent à attiser des braises ou préparer des médications. Leur maître alchimiste est quant à lui attablé avec des clients, observés d’un oeil rieur par un passant ayant glissé sa tête par une fenêtre ouverte... La scène est également prétexte à de très élaborées natures mortes et galeries de portraits. Fils de David I Teniers, gendre de Bruegel de Velours, David Teniers le Jeune embrasse naturellement la scène de genre. Par ses compositions savantes, il trouve rapidement une clientèle friande de cette thématique. Il peint aussi bien des Buveurs dans un cabaret que des Joueurs de cartes ou des Fêtes villageoises. La demande, sans cesse croissante, l’incite à reproduire plusieurs fois une même composition. L’intérieur d’un alchimiste ne déroge pas à la règle. Plusieurs versions en sont connues, parmi lesquelles l’une, simplement titrée l’Alchimiste, est conservée à la Alte Pinacothèque de Munich ; un Atelier de l’alchimiste proche de notre toile obtenait plus d’1,5 MF à Paris en 1994 (Mes Ader - Picard - Tajan). David Teniers avait trouvé avec cette composition la bonne formule, l’élixir magique pour séduire les collectionneurs les plus exigeants.