Une suite de déserts marécageux sont transformés, grâce à la volonté de Napoléon III, en un océan de pins, enchâssant un lac opalin, celui d’Hossegor alimenté par un canal d’eau de mer. Un nouvel éden retrouvé qui séduit les peintres.
Le vent souffle de l’Atlantique, soulève le sable qui s’accumule en longues dunes, tord les troncs et les branches des pins, sortes de sentinelles torturées. Ces éléments abritent des eaux d’un bleu d’opale, souvent le lac d’Hossegor, un des quarante qui jalonnent les côtes landaises. Jean-Roger Sourgen, né à Vielle-Saint-Girons, commune entre l’Atlantique et l’étang de Léon, s’installe à Hossegor en 1925, dans une villa construite par Henri Godbarge, baptisée «Rêver, peindre, chasser». Landais et Basque, il est séduit par la forêt, la dune et le lac. Cette trilogie d’éléments lui fournit le sujet essentiel de son œuvre. Il les arrange selon son imagination, recomposant un éden où la nature règne en maître dans toute sa pureté. Une lumière particulière émane de ses toiles, déclinant les sinuosités des branches tourmentées par le vent, l’alignement parallèle des nouvelles exploitations de résineux, avec, toujours en arrière-plan, le lac, et parfois l’océan. Sourgen a trouvé dans ce coin de paradis un écho à son mysticisme, proche des poètes du renouveau aquitain, Gabriel Dufau et Loys Labèque, tous deux natifs de Léon. Autodidacte, il incorpore des principes de l’esthétique art déco : pureté des lignes, palette raffinée. Dans la revue numérique de Nouvelle-Aquitaine, Éclairs, on peut lire, dans l’article consacré à l’artiste, en septembre 2010 : «Les dunes, parfois scènes de pulsions obscures, incarnent la nature vierge dont le peintre s’étonne sans cesse. Nulle vie ne trouble la paix de ces déserts où le vide devient signe de plénitude. Dans ce paysage de l’absolu, d’où l’homme est exclu ou dont la présence est perçue comme étrangère, l’artiste imagine le regard de Dieu juste après la création.» Horloger de formation, oiseleur par goût, il voyagea en Afrique du Nord, et, plus étonnant, fournit des modèles à la manufacture Henriot, à Quimper. Sa vocation picturale est née de sa rencontre, à l’été 1905, avec Alex Lizal, précurseur de la peinture de paysage landais, militant le premier pour la reconnaissance d’un pays fort d’un patrimoine naturel exceptionnel : immense bande dunaire, majestueuses pignadas, étangs mystérieux. À Dax, Sourgen devient photographe ; il édite des cartes postales sous le titre «La lande pittoresque», reproduisant des tableaux de Lizal. À la suite de son voyage au Maroc, installé à Bayonne entre 1918 et 1925, il participe à la vie artistique régionale aux côtés d’Arrue, Veyrin, Gomez et Danglade. Sirieyx de Villers note à propos de l’œuvre de Sourgen : «Je découvre à travers ces pins qui se vaporisent dans un soir fluide, le charme puissant et la douceur enivrée de ma vision. J’y trouve plus encore : la vérité d’une création pure et sans effort.»