Exposée au Musée basque de Bayonne en 1926, cette maternité conservée en mains privées revêt un sens particulier pour l’artiste, orphelin de mère et pour qui les habitants de la région constituent la vraie famille.
Format, palette, provenance, cette toile a plus d’un atout laissant augurer une belle bataille d’enchères. Quatre autres peintures, des paysages essentiellement, de l’artiste originaire d’Abando près de Bilbao l’accompagnent, issus de la même collection : la famille de Pierre Bouvet de Thèze, ami proche de Ramiro Arrue. Comparé à un chef-d’œuvre par Francis Jammes dans un article paru en première page du journal La Liberté du Sud-Ouest le 12 septembre 1926, à l’occasion de son exposition au Musée basque de Bayonne, notre maternité aurait toute sa place dans les collections de cette institution. C’est du moins ce que pense le critique, qui appelle les Bayonnais à se mobiliser autour d’une souscription. «Cette Mère a réellement mis au monde, avec cet enfant qui repose sur son sein, le génie d’une race», écrit-il… Arrue préfère toutefois la retirer. Quelques années plus tard, il cède à son ami Bouvet de Thèze cette ode à la confiance et à la douceur. Exécutée vers 1925, elle est typique de son travail, malgré sa palette unique. Si ses grands aplats de couleurs traduisent son goût pour les émaux de Limoges, le cloisonnisme de la touche et l’aspect ornemental révèlent son admiration pour Paul Gauguin, la ligne fluide et harmonieuse, les leçons d’Antoine Bourdelle à l’académie de la Grande Chaumière à Montparnasse. Comme toutes les images de la famille basque d’Arrue, celle-ci est pudique. Mais l’on sent combien il exprime ses sentiments dans cette représentation de l’amour maternel, et sa nostalgie de ne pas l’avoir goûté dans sa propre enfance. Sa mère meurt en lui donnant naissance, le 21 mai 1892. Comme ses trois frères, le nouveau-né est élevé par sa tante Matil. En 1904, leur père, Lucas Arrue, administrateur d’une société d’assurances et collectionneur de tableaux anciens, disparaît à son tour. Il aura toutefois contribué à la vocation artistique de ses quatre fils. Tout comme la tante Matil, que son activité pousse à s’installer à Paris en 1907, dans le 6e arrondissement, centre du commerce de l’art à l’époque. Ramiro y restera jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale. Il ne quittera plus ensuite son cher Pays basque… Plus que le paysage, ce sont ceux en faisant partie qu’il affectionne : ses danseurs, ses joueurs de pelote, ses marins, ses hommes au travail, ses habitants aux différents âges de la vie. La preuve par l’image avec cette mère enlaçant son enfant, posée sans artifice sur un paysage de montagne. Symbole d’héritage, de l’esprit de famille, mais aussi de la terre nourricière, à l’origine de toute racine…