Une lettre de Robespierre à Danton

Louis XVI a été exécuté quelques semaines auparavant, mais en février 1793 c’est son épouse Gabrielle Charpentier, morte en couches le 10 de ce mois, que pleure Danton. «Tout à toi pour la vie», écrit le brillant orateur au bas d’une page qu’il lui adresse en décembre 1792, l’une de ses rares lettres privées conservées, seules trois ou quatre étant connues. Il est alors en mission en Belgique, pour organiser les territoires conquis grâce à la victoire de Jemmapes, emportée par Dumouriez sur les Autrichiens, en novembre. Une guerre présentée par la Convention comme devant apporter «fraternité et secours à tous les peuples qui voudront recouvrer leur liberté», celle-là même pour laquelle Danton s’est battu sa vie entière, comme il le martèle dans la même missive (50 000/60 000 €). Robespierre est alors à ses côtés, à la tête des Montagnards, mais aussi en tant qu’ami dévoué. «Je t’aime plus que jamais et jusqu’à la mort», lui écrit-il pour le soutenir dans l’affliction de son deuil récent (voir photo, 100 000/150 000 €). Dans cette lettre – la seule conservée des envois adressés à Danton par Robespierre – les mots de ce dernier ne présagent pas du futur… Élu au Comité de Salut public cinq mois plus tard, celui que ses contemporains ont surnommé « L’Incorruptible » est l’homme le plus puissant de France, et il compte bien éliminer toute menace contre le gouvernement révolutionnaire. En prenant la tête de la faction des Indulgents, réclamant la fin de la Terreur et la signature de la paix avec l’ennemi forçant nos frontières, Danton devient l’homme à abattre. «Plutôt cent fois être guillotiné que guillotineur !», clamait-il. Il est condamné à mort à l’instigation de son ancien ami en avril 1794, qui finit par tomber lui-même, en juillet.