Frontale, bras tendus et paumes ouvertes, cette statuette pose l’une des premières pierres de la brillante période de Teotihuacán.
La période du préclassique récent succède à la prestigieuse culture olmèque. Et, comme souvent dans la longue histoire du monde méso-amérindien, sans véritable rupture, elle s’inscrit dans la continuité de cette civilisation mère, s’attachant à faire fructifier ses innovations. Plusieurs principautés indépendantes prospèrent, dans la vallée d’Oaxaca, sur la côte du golfe du Mexique, dans le bassin de Puebla, dans l’Occident du Mexique… et au Guerrero. Cette région, dont les terres sont situées entre Mexico et Acapulco, était – et demeure de nos jours encore – l’une des plus hostiles et des plus austères du pays, faite de rios souvent asséchés où les artisans sont venus chercher leur matière première. Elle abrite des grottes dans lesquelles on a retrouvé masques, haches et figures. Au commencement était justement la hache. À partir de cet outil est née la hache cérémonielle, puis dérivée de sa forme, a éclos une statuaire stylisée et frontale, géométrique et épurée, sans le signe distinctif de l'individualité et de l'expressivité. La culture pré-Teotihuacán s’est développée sur ces bases et dans ce territoire entre 300 et 100 av. J.-C. Avec ses figures debout, droites et fières, aux visages qui ne sont jamais ni tout à fait les mêmes ni tout à fait autres, elle a posé les premières pierres de ce qui allait devenir la brillante civilisation de Teotihuacán. On y retrouve en effet les prémices de ce que seront les canons de cet art béni des dieux. De petite taille, elles donnent l’impression d’être monumentales, les bras tendus et les paumes ouvertes vers l’avant en un geste d’offrande. Elles entament par ailleurs un premier pas vers le réalisme, même si le hiératisme reste dominant. Aucun temple n’a été construit dans le Guerrero et les œuvres retrouvées sont loin d’avoir délivré tous les secrets de cette culture. La part de mystère qui les entoure contribue incontestablement à leur attractivité. Jacques Blazy, l’expert de la vente, est à l’origine de la première exposition qui leur a été consacrée. On est alors en janvier 1992 au musée-galerie de la Seita, un établissement pionnier, et les «Figures de pierre : l’art du Guerrero dans le Mexique précolombien» y dévoilent leurs lignes pures. Ayant été acquise à la fin des années 1960 à la galerie new-yorkaise Merrin, une institution en matière d’art précolombien, celle-ci provient d’une collection privée française, l’une des plus importantes au monde pour les cultures du Guerrero. Deux gages de sérieux qui – en plus de ses qualités stylistiques – lui offrent d’attendre sereinement le résultat des enchères.