Véritable métaphore de la vie de celle qui fut abandonnée par son mentor et amant Auguste Rodin, cette œuvre a tout pour plaire aux amateurs de l’art sensible et passionné de Camille Claudel. Pour preuve, les 226 800 € recueillis le 25 mars 2021 à Paris pour l’exemplaire numéroté «22» de ce petit modèle de L’Implorante (Sotheby’s). Celui présenté prochainement à Dreux porte quant à lui le numéro 25. Il a été acquis dans les années 1970 par Mme Janine Sudre, et fut ensuite conservé dans la descendance de celle-ci. C’est en 1893 que la sculptrice débute son travail sur le groupe de L’Âge mûr, décrivant un homme tiraillé entre deux femmes, l’une jeune et l’autre âgée. Il lui faudra cinq années pour l’achever, en 1898, l’année même de sa rupture définitive avec son maître. Ces trois personnages aux corps réalistes et à l’expressivité marquée forment l’une des dernières œuvres de Claudel sous influence de celui-ci – elle se tournera ensuite vers des scènes prises sur le vif ou des sujets classiques s’inspirant de l’Antiquité. D’ailleurs, Rodin a également réalisé une figure d’Implorante. Les deux œuvres sont comparables par leur émotion, tendant davantage vers une force destructrice pour l’un, vers la douleur chez l’élève, notamment traduite par le traitement des yeux au contour en relief et tournés vers le haut. À la fin de l’année 1898, Camille Claudel est au sommet de sa carrière et espère une commande de l’État de ce groupe ; hélas, malgré la présentation du plâtre à la Société nationale des beaux-arts en juin 1899, celle-ci n’adviendra pas. La fonte en bronze doit attendre l’année suivante et la visite à l’atelier du 19, quai Bourbon, où Claudel est installée seule, du fondeur Eugène Blot. Ce dernier remarque le groupe de L’Âge mûr mais achète tout d’abord les droits de L’Implorante – il fera ensuite de même pour le groupe entier. La figure seule est fondue à partir de 1905 et jusqu’à 1937, en dix exemplaires dans sa taille initiale, c’est-à-dire 69 cm, cent étant prévus dans sa réduction à 29 cm. Finalement, cette édition s’arrêtera au nombre de 59, ce qui demeure tout de même le plus important tirage d’une œuvre de Camille Claudel. Tout un symbole.