Il était une fois c’était il y a bien longtemps des employés du Louvre qui volaient dans les bureaux. Mis sous surveillance, ils furent pris en train de transbahuter des ordinateurs dans une voiture rue de Rivoli. La direction les mit à la porte. Contrariés, les représentants syndicaux dépêchèrent une ambassade au ministère, en menaçant de faire grève. Le licenciement pour faute grave fut aussitôt rappelé. Sans doute est-il utile de rappeler cet incident au moment où le gouvernement s’apprête à modifier le statut d’un certain nombre d’employés de la culture. La grève au Centre Pompidou a attiré l’attention sur le sujet. La presse s’est concentrée sur les revendications corporatistes des grévistes, qui répondaient à l’appel de FO et de l’UNSA. Mais cette mutation porte un enjeu symbolique, particulièrement sensible alors que le Centre nourrit des doutes sur son identité. Ce mouvement faisait suite à la loi relative à la déontologie, prévoyant l’intégration à la fonction publique des agents contractuels que certains établissements étaient autorisés à employer, en lieu et place des fonctionnaires. Le Centre Pompidou n’est pas seul concerné par cette dérogation : la liste à la Prévert compte l’ANPE, les CROUS, les agences de l’eau, les Mines et Polytechnique, des caisses d’allocations et d’assurance, les parcs nationaux de Guyane et de La Réunion, la «caisse d’amortissement de la dette sociale», «l’agence de radioprotection», mais aussi le Centre des Monuments nationaux, l’opérateur des projets immobiliers de la culture ainsi que, pour certains emplois spécifiques (sinon, ce serait trop simple), le château de Versailles, le musée Rodin ou le quai Branly. Dans un pays où tout le monde rêve de devenir fonctionnaire, la nouvelle aurait dû être accueillie par des cris de joie.
Pourquoi ces cris d’orfraie au Centre Pompidou ? Majoritaire dans la culture, la CGT est favorable à la réforme, d’autant qu’elle préfère avoir affaire à un ministère affaibli, dont dépendent les fonctionnaires, qu’aux établissements. L’implantation de FO et de l’UNSA au Centre Pompidou est une anomalie, désormais menacée par la titularisation des effectifs. Les deux syndicats jouent leur survie. Alain Seban, ancien président du Centre, leur a prêté une bien noble mission quand il a estimé qu’ils «se battaient pour le Centre». Mais il a mis le doigt sur la véritable difficulté. Dès sa création, pour protéger l’art contemporain, celui-ci a bénéficié de souplesse et d’indépendance dans sa gestion. Dans l’administration centrale, qui ne cesse de faire gonfler ses effectifs, les revanchards rêvent toujours de reprendre la main. Certes, ce changement ne signe pas la fin de l’autonomie du Centre, loin s’en faut. Mais les créations de postes seront désormais du ressort de la rue de Valois comme au Louvre ou à Orsay. Les syndicats ont dénoncé la perte de salaire et de progression de carrière, qui constituent une autre spécificité du Centre. Quand le ministère a eu des velléités de résistance, ils sont allés à Matignon. Qu’a fait le gouvernement ? Il a cédé, naturellement. Il a permis aux agents titularisés de garder leur ancien niveau de rémunération, au risque de se voir confronter bientôt à une demande d’alignement provenant des autres établissements. Faiblesse ? Vous avez dit faiblesse ?
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