Si les feuilles d’album ne sont pas rares en ventes publiques, les brouillons de compositions de Giuseppe Verdi apparaissent beaucoup moins fréquemment. Quant aux manuscrits de travail pour ses opéras, ils font presque figure d’exception. L’action d’Otello, «une pièce que Shakespeare a écrite dans le style de l’opéra italien» selon Bernard Shaw, se déroule sur l’île de Chypre. En pleine tempête, le Maure Othello, chef de guerre victorieux et gouverneur de l’île pour le compte de Venise, retrouve sa jeune épouse Desdémone. Mais il est surtout la victime de la haine de son lieutenant Iago. Prêt à tout pour détruire son maître, celui-ci profite de la confiance de ce dernier pour distiller son venin et le persuader que son épouse le trompe avec son lieutenant Cassio. Iago fabrique une à une les preuves de la culpabilité de Desdémone. Othello est dévoré de jalousie et tombe dans les griffes de Iago. Notre manuscrit concerne l’Ave Maria de l’acte IV. Dans la solitude de sa chambre, Desdémone est assaillie de craintes et de questions : épouse répudiée, injuriée, bafouée en public, elle ignore tout, bien sûr, de la machination de Iago. Elle se remémore la vieille chanson du saule qu’elle chantait dans son enfance, puis entonne un Ave Maria avant de s’endormir. Othello la rejoint à pas de loup. Après lui avoir jeté à la figure de nouvelles accusations d’adultère, malgré ses protestations, Othello étrangle son épouse de ses propres mains… Apprenant bien plus tard le complot fomenté par son lieutenant, qui est parvenu à s’échapper, le Maure se poignarde sur le cadavre de Desdémone, dont il embrasse les lèvres une dernière fois… Créé le 5 février 1887 à la Scala de Milan, Otello est l’avant-dernier opéra du compositeur italien. En 1879, Giuseppe Verdi s’était promis de ne plus écrire d’opéra, mais de se contenter de remanier des œuvres déjà créées. Il mettra quand même plus de quatre ans à se mettre au travail dans sa villa de Sant’Agata, avec Arrigo Boito, l’auteur du livret. L’opéra est un triomphe.