Il y a quarante ans disparaissait un poète aux ailes de colombe. Il s’appelait Joan Miró (1893-1983). Un doux rêveur, un « mystique » selon Enrique Juncosa, commissaire d’une exposition présentant l’une des phases capitales de la carrière de l’artiste catalan, de son premier voyage à Paris, en 1920, aux premières Constellations, en 1945. Plus de quatre-vingts œuvres réparties dans deux immenses espaces témoignent de ces années d’innovations radicales au contact des avant-gardes, dadaïste et surréaliste notamment. Ces vingt-cinq années sont le fruit d’une longue transition entre le réalisme « transcendé » de ses débuts et un monde imaginaire dans lequel il va développer un vocabulaire peuplé de formes et de signes énigmatiques. Période qu’Enrique Juncosa décrit comme « sa phase extatique à travers lequel son monde extérieur et intérieur ne forme plus qu’une seule et unique entité, et que Breton voyait comme une sorte de lointain intérieur ». Le parcours chronologique de l’exposition pourra rappeler la rétrospective d’octobre 2018 au Grand Palais, couvrant soixante-dix ans de création. Mais en se limitant à une période plus courte, avec un angle affranchi de la dimension rétrospective, le propos se veut plus fouillé, concentré sur le développement de sa démarche artistique dans l’entre-deux-guerres. Ou comment Miro est devenu l’artiste que l’on connaîtra ensuite, après une longue période de maturation. Certes, on retrouve un bon nombre de tableaux phares déjà présentés à Paris, tels que son Autoportrait de 1919 ou la Peinture poème (une étoile caresse le sein d’une négresse) de 1938. Mais l’intérêt d’une telle exposition est d’avoir su extraire l’essence de ce que deviendra Miró : un chasseur d’étoiles flottant entre ciel et terre.