Sa seule présence au gouvernement suffit à alimenter les rumeurs de remaniement. Dans l’une de ses interviews, Françoise Nyssen répondait par : «Il faudra réfléchir […] on peut réfléchir… c’est à réfléchir» (oui, le maniement du français, n’est-ce pas), avant de conclure par : «l’important c’est de réfléchir, et de réfléchir à réfléchir». Comme le commentait François Morel sur le plateau, «ce n’était pas forcément la peine de se déplacer jusqu’au studio de France Inter»… Aujourd’hui, Le Figaro assimile sa tournée des festivals à un «calvaire», tant elle est assiégée. Il a fallu quinze mois pour se rendre compte que ses interventions dans le domaine de l’édition la conduisaient dans un conflit d’intérêts, ce qui suscite toujours son incompréhension. Son ministère est un champ de ruines. Françoise Nyssen, qui n’a jamais eu de conseiller patrimoine spécifique, a perdu son directeur des Patrimoines et la directrice des Musées de France, le directeur des Archives et la présidente de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais. Elle est maintenant intimée de confier à Philippe Bélaval une réflexion sur la réorganisation de ses services. En attendant, toutes les nominations sont différées, sur instruction de l’Élysée. Ce mille-feuille bureaucratique mérite bien une réflexion, mais pourquoi l’équipe d’Emmanuel Macron ne l’a-t-elle pas entamée avant son arrivée à l’Élysée ? Le renoncement à certaines protections des zones classées coïncide avec la révélation, par Le Canard enchaîné, des infractions aux codes de l’urbanisme et du patrimoine collectées par l’entreprise Actes Sud. À son tour, Le Monde diplomatique revient sur l’école alternative initiée par Françoise Nyssen il y a trois ans, que son directeur présente comme «ancrée dans la pédagogie de Rudolf Steiner».
Le fondateur de l’anthroposophie croyait en la réincarnation, en un cycle cosmique de 25920 ans, prenait la Lune pour un amas de corne et assurait que les continents flottent sur les océans, maintenus par la force des étoiles. Son mouvement recommande de répandre de la poudre de corne dans la vigne les nuits de pleine lune, mais aussi bien de soigner le cancer par le gui pratiques qui trouvent toujours des adeptes aujourd’hui. Il faut relire les conférences aux enseignants de sa première école, mêlant mystique chrétienne et pseudosciences, de celui qui voyait dans «l’âme» des musulmans la marque de Lucifer. Cet apôtre germaniste réclamait l’élimination du français de l’enseignement, langue de la «décadence» d’un peuple «corrompu» qui a imposé à l’Europe le «recul de la race», engendré par la «catastrophe culturelle de la transplantation des Noirs». Il y eut des incidents à ce sujet dans des écoles du mouvement. Celui-ci peut faire valoir que ces propos ne sont pas d’actualité, mais qu’en est-il de ceux recommandant des mécanismes d’adhésion des élèves au maître ou la dissimulation dans la transmission des savoirs ésotériques ? Le journal nous apprend qu’une cérémonie occultiste se serait tenue à l’insu des parents dans cette école hors contrat, que la ministre présente comme «sa fierté». Une des prêtresses de cette mouvance, Françoise Bihin, rétorque en félicitant «Françoise Nyssen d’être de ces personnalités qui ont le bons sens de ne pas se laisser impressionner par les rumeurs» propagées par ceux refusant de voir que «des forces invisibles ou spirituelles pourraient être à l’œuvre dans le monde». En 2015, au Journal de la société anthroposophique, Françoise Nyssen confessait que son drame personnel avait «déchiré le voile du rationalisme pour que la spiritualité parvienne au centre de sa vie». On n’attend plus que la cérémonie rue de Valois destinée à enfumer les esprits lucifériens logés à Matignon et à l’Élysée.
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