C’est sur un double paradoxe que s’est construite cette exposition. Le premier concerne Hiroshige, sans doute l’un des artistes japonais les plus célèbres, avec Hokusai et Utamaro, mais dont les œuvres montrées ici pour la première fois en France sont proportionnellement les moins connues. Le second concerne les estampes elles-mêmes. Destinées à orner les éventails plats – uchiwa – dont l’usage se répandit à la fin de l’ère d’Edo (1603-1868), elles étaient découpées puis appliquées sur leur armature en bambou, ce qui les altérait, déjà endommagées par le climat ou la négligence des propriétaires. Celles qui nous sont parvenues sont en parfait état de conservation, sauvées par les éditeurs d’estampes et les collectionneurs d’alors. Le nom de Georges Leskowicz, sans qui cet événement ne pouvait avoir lieu, est un gage de qualité. Fils de l’architecte polonais et grand collectionneur de manuscrits Aleksander Leskowicz, il n’a eu de cesse de poursuivre l’œuvre paternelle en l’enrichissant de son goût personnel. C’est cette détermination à privilégier la qualité plutôt que la quantité qui lui a permis de réunir la plus riche collection d’estampes d’Hiroshige – cent cinquante au total – après celle du Victoria and Albert Museum de Londres. La centaine de pièces sélectionnées, pour la plupart non découpées et dans leur premier tirage, offrent un très large panorama de la créativité de l’artiste, de ses motifs favoris et de son talent à recourir à des cadrages étonnamment modernes. Aux vues urbaines de l’ancienne Edo succèdent les paysages de province – sujet de prédilection du maître, dans lequel il excellait –, mêlant stations thermales et autres lieux de pèlerinage. Si les séries paysagères complètes sont rares, la collection Leskowicz peut se targuer de posséder celle des «Huit vues d’Ômi», à découvrir au deuxième étage de la rotonde du musée.