Peintre de l’intime, Henri Lebasque a consacré une grande partie de son œuvre au portrait féminin. Il sait mieux que quiconque révéler l’âme de ses modèles, dans des compositions où la douceur de vivre se marie à la sensualité.
Parmi ses modèles favoris figurent en première place les membres de sa famille : son épouse Catherine et ses filles Marthe et Hélène, dite Nono, ou dans une moindre mesure son fils Pierre. Aussi pourrait-on reconnaître Marthe sous les traits de cette jeune Andalouse. Née en 1895, elle est soprano à l’Opéra-Comique avant de se tourner vers la sculpture et la peinture dans la seconde partie de sa vie. Fille aînée de l’artiste, elle montre très tôt des talents de chanteuse. Marthe débute sur scène le 23 octobre 1925 dans Louise. Les opéras se succèdent, notamment Carmen, Les Noces de Figaro ou Tosca et Le Barbier de Séville, dans lequel elle incarne une brillante Rosine. Elle renonce cependant à sa carrière musicienne afin de rester auprès de son mari, le peintre Carlos-Reymond, qui vit entre Paris et Roquefort-les-Pins puis Cimiez, dans les Alpes-Maritimes. Elle commence alors à peindre des natures mortes. Demeure ce souvenir de la chanteuse talentueuse qu’elle a été, et que son père immortalise dans ce tableau, la plaçant de manière frontale, hiératique un peu à la manière de Manet , fixant le spectateur du regard. Les mains croisées, vêtue d’une robe à l’espagnole, elle pose délicatement ses pieds sur un coussinet. Les nuances de couleurs du blanc à l’ocre, simplement rehaussés de touches de noir, vert et rouge mettent en valeur la délicatesse de la pose et le visage poupin du modèle, qui joue à la perfection son personnage de jeune ingénue dans la pièce de Beaumarchais adaptée par Rossini : l’orpheline Rosine, que le comte Almaviva, aidé de son valet Figaro, veut épouser. Tout un spectacle !