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Le tout à l’ego de la question de genre

Publié le , par Vincent Noce

Entendu au journal télévisé, dans un reportage sur les « congés menstruels » autorisés au Japon. « Mais ils ont leurs limites. Pour commencer, ils ne sont autorisés qu’aux femmes ». En effet, à y réfléchir… Dans un registre pas très éloigné, la ville de Pantin est désormais sommée de s’appeler « Pantine ». Pour une année,...

  Le tout à l’ego de la question de genre
 

Entendu au journal télévisé, dans un reportage sur les « congés menstruels » autorisés au Japon. « Mais ils ont leurs limites. Pour commencer, ils ne sont autorisés qu’aux femmes ». En effet, à y réfléchir… Dans un registre pas très éloigné, la ville de Pantin est désormais sommée de s’appeler « Pantine ». Pour une année, du moins. Ainsi le maire entend-il proclamer sa solidarité avec la gent féminine, avant même la journée du 8 mars. Une certaine gauche ne sait plus qu’inventer pour s’inscrire dans la politique-spectacle, devenue notre pauvre pain quotidien. Pantine, le mot existait en vieux français, il voulait dire ficelle, et par extension il désigne cette poupée faite de bouts de ficelle appelée pantin. Mais Pantine fait irrésistiblement songer à Poutine, ce qui n’est guère heureux… Cet édile pense qu’on peut faire évoluer la langue, non par la coutume partagée, mais par des coups de force dictés par des présupposés idéologiques. Il faut croire que le féminin fait tourner la tête des hommes. On ne sait plus si l’on doit écrire cheffe ou cheftaine, ce qui n’est pas très agréable pour l’intéressée. Entraîneuse, courtisane, gagneuse, il se trouve que les noms féminisés prennent souvent une connotation péjorative ou sexuelle, construction historique qui ne tient sûrement pas du hasard, mais rend périlleuse l’entreprise d’éradication du neutre de la novlangue. Comme le rappelle Catherine Arditi dans une vidéo sur le site de L’Obs, mieux vaut être un homme facile qu’une femme facile, un homme public qu’une femme publique, un professionnel qu’une professionnelle…

Il faut croire que le féminin fait tourner la tête des hommes. 

Les effets de la langue ne sont jamais innocents. L’initiative pantinesque trahit le fantasme de pouvoir jouer à sa guise de la confusion du masculin et du féminin. Il serait loisible de sauter en toute liberté d’un genre à l’autre, tout comme se trame l’illusion d’une toute-puissance sur le réel, qui permettrait à l’individu de passer d’un sexe à l’autre comme s’ils étaient interchangeables. On comprend l’émoi de personnalités comme Élisabeth Badinter, Catherine Dolto ou René Frydman à l’égard d’une information bien maladroite de la Caisse des allocations familiales sur les enfants et adolescents qu’elle dit « nés dans le mauvais corps », soit transformant une identité imaginaire en prescription biologique. Empruntant les codes du documentaire, Petite fille, un film diffusé par Arte et Netflix, joue sur la même corde sensible. Il fait figurer un garçon adorable de sept ans, pris dans une bulle familiale, qui depuis ses trois ans se pense fille. La mère, qui voulait avoir une fille mais a fait plusieurs fausses couches, parle pour son enfant, dont la parole n’est jamais sollicitée. Confortée par une pédopsychiatre qui ose dire que « le souhait des parents n’a pas d’incidence » sur le vœu de l’enfant, la mère se bat contre une société qui ne voudrait pas le reconnaître comme telle, laissant entrevoir des traitements de blocage de la puberté, voire une castration. La critique a adoré cette ignominie. Rappelant cette vérité élémentaire qu’il n’existe pas « une essence d’homme universel, qui accessoirement prendrait tel ou tel sexe », le psychanalyste et psychiatre Charles Melman observe ainsi les dégâts d’une traduction de « la question de l’identité » en crises à « échelle sociale ». L’article de la CAF assure que « 22 % des Français entre 18 et 30 ans ne se sentiraient ni homme ni femme », affirmation difficilement crédible et susceptible d’attiser les fantasmes des deux bords. En fait, en 2021, il y avait moins de trois cents enfants ou adolescents aidés sur une longue durée pour ce qui s’appelle la dysphorie de genre. Il faut certainement les entendre et les accompagner, mais en faire les enjeux d’une guerre de tranchées ne peut qu’accroître leur malaise et leur vulnérabilité, tout en censurant l’altérité, l’histoire et en définitive la culture.

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