La mise en abyme de la situation insulaire de la villa Carmignac : telle est l’ambition du commissaire Jean-Marie Gallais, conservateur auprès de la Pinault Collection. Ou comment les artistes tiennent parfois la réalité à distance pour mieux explorer leurs mondes intérieurs. Plus de quatre-vingts œuvres –majoritairement des peintures – d’une cinquantaine d’entre eux sont regroupées en une dizaine de sections, composant un parcours quasi hypnotique dans les espaces de la villa. Des œuvres contemporaines de Mark Bradford, Peter Doig, Ali Cherri, une série photographique réalisée in situ par Darren Almond pour l’exposition, mais aussi des pièces plus anciennes, comme Les Iles d’or d’Henri-Edmond Cross, exceptionnellement prêtée par le musée d’Orsay, ou Le Matin de Jean-Francis Auburtin, du musée de Lodève, toutes deux peintes à Hyères. Anna-Eva Bergman et sa Lune d’argent, Etel Adnan et sa Planète 7 ou encore Jean-Michel Basquiat faisant le lien entre les générations passées et actuelles. Si l’on perd parfois le fil de la démonstration, c’est bien dans ce face-à-face avec la réalité insulaire de Porquerolles, ce va-et-vient permanent entre l’imaginaire et les échappées vers l’extérieur que réside l’intérêt de l’exposition. En jouant avec nos sens troublés par la présence de paysages intérieurs et de la nature environnante, d’une sidérante beauté. L’architecture de la villa elle-même, avec ses décrochements, ses baies largement ouvertes, son bassin vitré filtrant la lumière, devient ici un élément à part entière de l’exposition. Ce qui relève alors d’une véritable expérience se prolonge dans le parc, où les sculptures d’Adrian Villar Rojas et de Corentin Grossman dialoguent avec Vexation Island de Rodney Graham, vidéo mettant en scène un faux pirate, mi-Robinson mi-Sisyphe. On ne peut alors que terminer la visite par l’immense Sea of Desire d’Ed Ruscha, installée à l’ouverture de la villa en 2018, et s’abandonner à la contemplation.