Le soleil se couche et emporte avec lui l’Amérique entière, continent tout-puissant dont la carte fragile surnage à l’horizon, telle une persistance rétinienne. C’est sur Texas Louise, fresque incendiaire du peintre né en Guyane Frank Bowling, étalée près des corps enfumés de Judy Chicago, que s’ouvre le nouveau cycle d’expositions de la Collection Pinault. Un cycle qui, pareil à celui des saisons, suit son cours intranquille. Une fois encore, le temps se dégrade sous le Panorama du commerce ornant la coupole : dans la rotonde, là où l’archipel de situations de Philippe Parreno créa l’été dernier un écosystème artificiel, le jardin sombre (Tropeaolum) de Danh Vo ne passera pas l’hiver car déjà, la géographie personnelle de Tacita Dean le remplacera au printemps. Pour l’heure, place aux arbres convalescents de ce plasticien danois né à Bà Ria, dans le sud du Vietnam : victimes d’intempéries, troncs et branches de chênes, secourus par l’Office national des forêts, se refont une santé à l’ombre d’une charpente en bois issu de l’exploitation agricole de Craig McNamara, fils de l’ancien secrétaire à la Défense américain et architecte de la guerre du Vietnam. Quelque part, Danh Vo, déraciné, panse aussi ses plaies dans cet hôpital de fortune, évoquant le Cemetery of Splendour du réalisateur thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, peuplé de soldats endormis. Ailleurs, Dominique Gonzalez-Foerster déverse une pluie tropicale au pied d’un escalier, Hicham Berrada nous plonge dans un bouillon de culture, Anicka Yi peint des toiles holographiques autour de cocons couvant des insectes robotiques, Cy Twombly gribouille la course du dieu Rê, Pierre Huyghe traque un singe au masque nô, errant dans les environs désolés de Fukushima, Jonathas de Andrade filme des pêcheurs choyant leurs proies… Partout, le climat est hostile et la nature, mutante. Rien n’a plus de sens mais ainsi vont les choses, rappelle le philosophe Emanuele Coccia : «Tout est intempérie sur Terre. Et l’orage n’est rien d’autre que le chant de la vie».