La foire London Art Fair : un bol d’air pour les marchands d'art londoniens

La London Art Fair s’ouvrait sur une déconvenue pour les marchands d’art britanniques, encore sous le coup de la double annulation des foires Olympia et Masterpiece, annoncée quelques semaines plus tôt. Deux valeurs sûres du paysage événementiel londonien disparaissaient, laissant derrière elles des incertitudes quant à la santé du marché de l’art au Royaume-Uni. Et des trous dans le calendrier de ses foires. «Nous espérons vivement que la foire reviendra dans les années à venir lorsque la demande appropriée existera», déclarait Mary Claire Boyd, directrice de la foire estivale d’art et d’antiquités Olympia, qui devait célébrer son 50e anniversaire en juin prochain devant ses quelque 130 exposants habituels. «Malheureusement, il n’y a pas eu le niveau d’engagement requis pour aller de l’avant cette année.» En clair : face à l’escalade des coûts, les exposants intéressés n’ont pas pu suivre. Pourtant, en octobre dernier, la dernière édition de la Frieze de Londres avait redonné des couleurs aux marchands britanniques, confrontés à une inflation galopante et à une chute historique de la livre sterling. Le spectre du Brexit a également été invoqué par MCH Group, maison mère de Masterpiece (et d’Art Basel), pour justifier l’annulation de cet événement phare, qui attirait pas moins de 40 000 visiteurs en 2022, mais enregistrait une baisse de 58 % de candidatures internationales depuis 2018.
Créneau traditionnel
Dans ce paysage incertain, la London Art Fair joue la carte de la stabilité et de la cohérence. Pour sa 35e édition – la première sans restriction sanitaire depuis janvier 2020 –, la foire d’art moderne et contemporain londonienne a accueilli une centaine de galeries du 18 au 22 janvier sur son site historique d’Islington, le Business Design Centre, qu’elle occupe depuis 1989. Des exposants venant majoritairement du Royaume-Uni, avec un petit contingent d’étrangers, en provenance de Belgique, du Canada, de France, d’Islande, d’Irlande, des Pays-Bas, de Pologne et de Suède. «La foire offre un foyer pour l’art moderne britannique, tout en adoptant une perspective de plus en plus internationale et contemporaine, avec de nouvelles galeries du monde entier qui élargissent notre offre et notre portée – elles représentent aujourd’hui 25 % de nos exposants, et leur nombre ne cesse de croître», explique Sarah Monk, directrice de la foire. Elle ajoute : «Nous étions ravis que la foire puisse avoir lieu cette année dans son créneau traditionnel de janvier, lançant une fois de plus le calendrier artistique international avec une sélection exceptionnelle et fraîche d’art moderne et contemporain.»
Valeurs sûres
Avec des œuvres allant de 250 à 250 000 £, la foire est le repaire de l’art moderne et contemporain britannique – on y retrouve les historiques Grayson Perry, Bridget Riley, Henry Moore et David Bomberg. Les habituées du Royaume-Uni ont massivement répondu présentes, notamment les galeries Osborne Samuel, GBS Fine Art, Piano Nobile et Purdy Hicks Gallery, mais aussi les nouvelles venues telles que Willoughby Gerrish, Koop Projects et Cactus Moon Studio. À leur côté, quelques enseignes internationales qui exposaient pour la première fois se sont démarquées, comme Fold, la plus importante galerie d’art d’Islande, et O68, des Pays-Bas. La London Art Fair étant surtout réputée pour sa sélection d’art d’après-guerre, c’est sans surprise que les stands spécialisés dans l’art moderne ont enregistré les meilleures ventes. Osborne Samuel a vendu une peinture de Keith Vaughan aux alentours des 100 000 £, tandis que la Hidden Gallery s’enthousiasme de cette édition, «l’une de ses foires les plus réussies à ce jour», avec la vente d’une œuvre d’Andy Warhol. Le dernier jour, plusieurs éditions limitées de David Hockney ont trouvé preneur. Du même artiste, Portrait of Henry Geldzahler est parti à 30 000 £ chez Christopher Kingzett, qui a également vendu The Painter and his Model de Walter Sickert aux alentours des 75 000 £. Le goût pour le figuratif se confirme. Long & Ryle a ainsi vendu plusieurs œuvres des artistes espagnols Ramiro Fernandez Saus, tandis que Tin Man Art a enregistré des ventes «très positives» pour celles de Catherine Anholt et Marie Elizabeth Merlin. Les sculptures se sont également bien vendues cette année, notamment une pièce de Henry Moore qui est partie pour 40 000 £ chez Thomas Spencer Fine Art, et Conjonction XII de Lynn Chadwick, qui a été cédée plus de 100 000 £ chez Goodman Fine Art. Zuleika Gallery a vendu un Robert Adams pour environ 10 000 £, et des pièces des artistes Peter Lazlo Peri et Dora Gordine ont trouvé preneur via Architectural Heritage. Les peintures, œuvres sur papier et éditions contemporaines séduisent. Une pièce de Bridget Riley est ainsi partie chez Tanya Baxter Contemporary. Le jour de l’ouverture, la Jealous Gallery a présenté – et vendu – la dernière édition de l’Écossais David Shrigley, «Extract The Juice from Everything», une série récente créée au tout début du mois de janvier 2023. À noter que la nouvelle section de la foire, Encounters, curatée par Pryle Berhman pour présenter les galeries émergentes, a remporté un vif succès avec l’exposition de quatre artistes africains, Jules Disso, Joseph Kojo Hoggar, Osman Salifu et Affen Segun, dont les œuvres ont été vendues entre 1 500 et 9 000 £. Des découvertes, certes, mais surtout une stabilité dans la sélection qui rassure collectionneurs et marchands.