Lorsque le plus fou des artistes catalans réinterprète un épisode chrétien, évidemment, « ça décoiffe » !
La collection Jacques et Claude Rohault de Fleury, abritée dans un hôtel particulier à Neuilly, comportait une bibliothèque d’ouvrages illustrés du XXe siècle – 2 210 € pour Les Chansons de Bilitis, de Pierre Louÿs, enrichies par Raphaël Collin – ainsi qu’un ensemble d’œuvres sur papier exécutées par des artistes modernes. Parmi celles-ci, c’est évidemment l’aquarelle et gouache de Salvador Dalí (1904-1989) qui allait monter au plus haut. Cette feuille titrée Assomption aux cornes de rhinocéros, dessinée avec le génie créatif et fou du Catalan, n’a pas déçu, étant emportée à 50 700 €. L'évocation du mammifère africain n’a rien de surprenant, il est souvent invoqué par les surréalistes – un squelette d’un spécimen laineux figurait à l’«Exposition surréaliste d’objets» organisée à la galerie Charles Ratton en 1936. L’Italien Stanislao Lepri (1905-1980) proclamait même : «Je suis un rhinocéros !» Les deux artistes se connaissaient évidemment, Lepri étant le compagnon de Leonor Fini. Pourquoi cette fascination ? Le symbole de puissance est évident, mais Dalí prête aussi à sa corne des croyances mystiques et aphrodisiaques – il en irait certainement tout autrement aujourd’hui – qui ne sont pas pour lui déplaire, et il la cuisine à toutes les sauces. Ici, en iconoclaste revendiqué, il n’hésite pas à l’associer à un thème chrétien des plus respectés, l’Assomption de la Vierge. Il le fait bien sûr avec un talent particulier, reconnu à 50 700 €.