Jeff Koons et Anne Hidalgo, c'est le bouquet !

L’artiste «semble avoir perdu la mesure» ! Il compte «offrir» à la ville une sculpture en vue de l’installer en place publique. Mais ce «cadeau» n’en est pas un : il revient à la collectivité d’en payer la fabrication ! Par surcroît, profitant de la publicité ainsi offerte, son auteur prévoit de la rentabiliser par des éditions en différents formats et matériaux, quitte même à fragmenter son ouvrage, tout en ayant l’outrecuidance d’en concevoir l’installation. Non, ces récriminations ne s’adressent pas à Jeff Koons, elles concernaient Rodin, au moment où il céda Les Bourgeois de Calais à la ville éponyme. Non seulement il reçut 30 000 F en paiement, mais la fonte dut être financée par souscription. Et plutôt deux fois qu’une puisque, une première collecte ayant disparu dans une faillite bancaire, il fallut monter une loterie et la compléter par une subvention d’État. Le sculpteur resta sourd aux recommandations du comité pour l’érection du monument, qui souhaitait une composition pyramidale, digne de l’héroïsme de l’épisode historique, plutôt que cette représentation disloquée de la douleur humaine. Le maire batailla quinze ans pour qu’elle pût enfin trouver sa place. Rodin se manifesta encore pour exprimer son désir de la voir posée sur un socle bas, «comme dans les mises à tombeau d’églises», ou, à défaut, surélevée, afin qu’elle se découpât sur le ciel. Il n’obtint pas satisfaction. Par ce geste, Calais entendait rappeler à la Nation le sacrifice consenti au Moyen Âge, à un moment où la cité souffrait de son déclin. Ce sentiment serait-il partagé par la Mairie de Paris, elle qui est bien forcée de reconnaître la saleté des rues de la ville ? Jeff Koons doit en tout cas se mordre les doigts d’avoir offert ses tulipes en passe de se faner, loin de l’ironie qu’il sut parfois instiller dans ses œuvres. Il paie désormais le prix d’une de ces polémiques cycliques chéries des Français, tous les métiers et toutes les compétences rivalisant pour faire connaître leur opinion et redoublant dans l’insulte. Certaines accusations trahissent ainsi une méconnaissance de l’histoire de l’art et de la commande publique. Aurait-on songé demander à Jules Dalou de financer la fonte et la mise en place de ses lions sur le pont Alexandre III, sans parler de son Triomphe de la République, place de la Nation ? Il en aurait été bien incapable, il est vrai, lui, l’ancien communard qui se saignait aux quatre veines pour renouveler la statuaire républicaine. On n’en reste pas moins consterné par l’incompétence affleurant dans cette entreprise, qui aurait dû réunir plutôt que diviser. Anne Hidalgo, elle, déjà si fière du spectacle de la Canopée des Halles, n’a pas jugé utile de s’entourer d’une commission, de consulter son propre adjoint à la culture, d’approcher les associations de victimes, les architectes des bâtiments de France ni les directeurs des deux musées entourant le parvis. Elle n’a pas paru se soucier outre mesure de la consolidation nécessaire pour accueillir les 33 tonnes de cette niaiserie de 12 mètres de haut. Le reproche d’avoir évité l’appel d’offres, infondé juridiquement, ne tient guère. Une œuvre monumentale ne se juge pas suivant la grille d’un protocole normatif, technique et financier, mais par le sens qu’elle dégage, la poésie qui en émane ou la force de son expression, couronnés par son insertion dans le paysage. On cherche en vain l’un de ces éléments sur la ligne d’horizon…

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