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Intemporalité photographique

Publié le , par Anne Foster

L’objectif est un œil froid. Seul le photographe peut apporter humanisme et émotion, presque palpable lorsqu’il réalise lui-même ses tirages. Cette vente rend hommage à «la poésie du regard» de Claude Dityvon, à travers 231 numéros.

Claude Dityvon (1937-2008), Mai 68, Paris : boulevard Saint-Germain, 25 mai, tirage... Intemporalité photographique
Claude Dityvon (1937-2008), Mai 68, Paris : boulevard Saint-Germain, 25 mai, tirage argentique réalisé par l’auteur, sur papier baryté. Au dos : cachet de l’auteur, et numéro de référence 497/18 - image : 17,4 x 26,2 - feuille : 24 x 30 cm.
Estimation : 200/300 €

© claude dityvon - courtesy millon

L’obscurité est illuminée par des flammes et des volutes de fumée à travers laquelle apparaissent de fines branches de feuillage ; la silhouette d’un jeune homme lançant quelque chose se découpe sur ce fond presque éblouissant. Le regard est accroché par les reflets sur des pans de grilles d’arbres jonchant le sol. On voit d’un côté des fenêtres éclairées, de l’autre des branches d’arbres, des lumières éparses. Tous ces éléments indiquent une bataille urbaine, l’ébauche d’une barricade. Le jeune homme, seul dans son combat, prend valeur de symbole de la lutte. Cette photo pourrait avoir été prise en plusieurs points chauds du globe, même à une époque récente, rien ne pouvant réellement indiquer un lieu et une date… sauf la légende du photographe : Paris : boulevard Saint-Germain, 25 mai. Moins iconique que plusieurs photographies des événements de Mai 1968, elle prend une valeur intemporelle, elle résonne d’empathie avec ceux qui n’adhèrent pas au système, à l’ordre établi, ceux qui préfèrent rêver d’un monde meilleur. Son auteur ? Claude Dityvon, qui avoue son obsession : «la place de l’homme dans l’espace urbain». Et confie : «La photographie est un art intimiste, comme la poésie dans la littérature, un langage un peu abstrait qui demande une disponibilité, un regard ouvert, sans a priori un regard d’enfant.» À l’époque, ce jeune photographe avait réalisé en 1967 un reportage sur les bidonvilles de La Courneuve, qui avait frappé par son regard respectueux et même affectueux sur ces lieux en marge et leurs habitants, en particulier les enfants et adolescents. Il reporte cet esprit plus poétique que documentaire sur les événements de Mai 1968, les nuits d’émeute, les barricades, les face-à-face étudiants et policiers, les rues pavoisées d’affiches et les slogans peints dans les couloirs de la Sorbonne, diverses personnalités comme Cohn-Bendit et Aragon… Selon Christophe Gœury, expert de la vente : «Il montre l’impalpable et le transpose en opposant et en croisant l’ombre et la lumière, en utilisant le clair-obscur, les flous, les bougés, les décalages, les imprévus.» Ces travaux lui valent le prix Niépce en 1970. Deux ans plus tard, avec d’autres photographes partageant les idéaux de Mai 1968, il fonde l’agence Viva, dans le but avoué de raconter la société en véritable auteur. Une aventure de courte durée. «Disons que par ma manière de photographier, cela faisait que ce n’était pas du photojournalisme […] Je désirais utiliser ce matériau photographique pour exprimer une pensée, une manière de voir, des intensités du regard.»

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