Le Centre national du cinéma et de l’image organise pour la première fois une vente aux enchères à l’Hôtel Drouot, au profit de l’association Rêve de cinéma.
Installer de «vraies» salles de cinéma dans des hôpitaux pour les enfants malades et handicapés : tel est le pari qu’a lancé l’association Rêve de cinéma il y a vingt ans (elle s’appelait alors Les Toiles enchantées). Isabelle Svanda, son actuelle présidente, vit ce rôle comme une véritable mission et un engagement que résume son parrain, Lambert Wilson : «Quand les enfants ne peuvent pas aller au cinéma, c’est au cinéma de se déplacer...» Mais qu’on ne s’y trompe pas : nous ne parlons pas ici de simple loisir agrémentant le séjour plus ou moins long des jeunes patients ou d’un ciné-club programmant des films anciens. Il s’agit d’offrir les dernières sorties en salles, alors que ces enfants sont coupés du monde. Et surtout, de leur permettre de s’échapper pendant quelques heures du milieu hospitalier, d’avoir l’impression d’être «comme à la maison», ce qui a un impact très fort dans le processus de guérison. «Associer la culture et l’éducation au parcours médical est une chose primordiale», insiste le pédopsychiatre Marcel Rufo. Rêve de cinéma est ainsi reconnue organisme d’intérêt général et placée sous le double patronage du ministère des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes et du ministère de la Culture. Isabelle Svanda s’émerveille encore lorsqu’elle raconte que «des médecins réussissent aussi à négocier les traitements grâce à ces séances. Certains anorexiques, par exemple, ont accepté de prendre leur goûter sans discussion pendant que les comédiens discutaient avec eux à l’issue de la projection.» Comment cela se passe-t-il ? Deux projectionnistes circulent et transportent avec eux leur matériel de haute qualité, qu’ils installent dans des salles de réunion, de jeux ou des auditoriums. Il ne manque que les habituels fauteuils rouges ! En 2016 ont ainsi été organisées quatre cent vingt-quatre projections de trente-neuf films, dans cent cinquante et un établissements… pour plus de vingt-cinq mille jeunes. Une action possible grâce à des fonds publics et privés : ces derniers représentent 90 % d’un budget annuel de fonctionnement de 450 000 €.
Générosité et fascination pour les stars
Or, l’association souhaite déployer son action, multiplier le nombre de séances tout en s’ouvrant à un public adulte et aux personnes âgées. D’où cette proposition du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) de renforcer son soutien, déjà très important, en organisant la première vente caritative destinée au monde du 7e art. L’Hôtel Drouot est partenaire de cette opération en mettant à disposition gracieusement la salle 9, tandis que la maison de ventes Art Richelieu reversera la totalité des gains sans aucuns frais. «Nous avons établi des estimations très attractives pour attirer un très large public», commente le commissaire-priseur Elsa Joly-Malhomme. Le montant total des estimations reste assez bas, autour de 30 000-40 000 €, et il n’y a aucun prix de réserve pour les cent trente lots (trente retenus pour la vente physique du 29 juin et cent sur Drouot Online). On peut espérer que la fascination qu’exerce cet univers et l’enjeu de la cause feront s’envoler les prix, en particulier pour la paire de lunettes ayant appartenu à Jean-Luc Godard (300-400 €), la planche de surf du film Brice de Nice (800-1 000 €), le blouson de Mathieu Kassovitz dans son dernier film De plus belle (300-400 €) ou le lot de deux paires de chaussures ayant appartenu à Sophie Marceau (100-200 €). Si, comme l’écrit la sociologue Nathalie Heinich au sujet du marché des effets personnels ayant appartenu à des vedettes, «la valeur ajoutée à l’objet par cette trace de la présence est considérable», on peut imaginer que la réplique du tailleur Chanel rose que portait Jackie Kennedy le jour de l’assassinat du président américain aura un écho affectif chez certains collectionneurs, tant il appartient à l’imaginaire collectif, même s’il s’agit simplement de celui porté par Nathalie Portman dans le film Jackie (400-600 €). De nombreuses affiches de cinéma seront l’occasion pour de jeunes amateurs d’initier une collection, avec La Fille de Brest, dédicacée par Emmanuelle Bercot (50-80 €) ou La La Land, par Ryan Gosling et Emma Stone (100-200 €). Et qui résisterait à la montée des marches du Festival de Cannes 2018 (400-600 €) ou à cette accréditation pour la sélection officielle (500-800 €) ? Photographies, claps de fin, lithographies, scénario, scripts, dîners dans de grands restaurant, jusqu’à un projecteur analogique du Palais des festivals de Cannes, un historique 16 MM Kinoton FT 18 (500-800 €)… La générosité du monde du cinéma a été grande pour le succès de l’événement. Last but not least, Lambert Wilson sera présent lors du cocktail précédant la vente. «Acheter un objet se traduit par des séances de cinéma supplémentaires pour les enfants, qui accrocheront des sourires en plus sur leurs visages : c’est faire un pied de nez à la maladie», conclut Isabelle Svanda.