Heureux l’élu accueilli au Royaume de Dieu, baigné d’une suave lumière dorée, accompagné de la musique céleste jouée par des cohortes d’anges ! Pour en donner un aperçu aux fidèles, accomplissant leur devoir de chrétien sur terre, le décor des églises resplendit dans les chatoiements des vitraux, l’or des encadrements et des fonds des peintures, ornant les autels et les murs au-dessus des stalles où prend place le clergé. Ici, deux anges musiciens sont prêts à nous transporter au seuil du paradis céleste. L’artiste, pour magnifier le message de la félicité éternelle promise au croyant, joue avec l’or du fond, la blondeur des fins cheveux, la précieuse coiffe en résille ponctuée de perles, le bois doré de la harpe. Cette attention minutieuse portée aux détails est une des caractéristiques de l’art d’un artiste appelé Maître du retable de saint Barthélemy, œuvre réalisée, vers 1500-1505, pour l’église Sainte-Colombe de Cologne, visible aujourd’hui à l’Alte Pinakothek de Munich. Peu d’éléments biographiques sont connus, bien que ce peintre soit considéré comme l’un des maîtres de l’école de Cologne, à la tête d’un atelier qui fournissait des retables pour les nombreuses églises, et des œuvres de dévotion pour une clientèle particulière. Certains spécialistes penchent pour une origine colonaise, avec une première formation auprès d’un des assistants de Stephan Lochner, décédé en 1451, complétée par un séjour aux Pays-Bas ; d’autres, plus récemment, préfèrent lui attribuer une origine néerlandaise, d’Utrecht ou d’Arnhem en Gueldre. Ils mettent en avant, par exemple, que le livre d’heures tenu par sainte Colombe dans l’un de ses tableaux est écrit en moyen néerlandais. L’artiste se serait installé à Cologne vers 1480, où il développe son style précieux «tendre» selon certains historiens du style gothique tardif. Délicat coloriste, le maître rend avec soin le modelé des visages, la carnation vivante des modèles, les styles de coiffe, les bijoux et les objets du quotidien comme les instruments de musique dans ce panneau, où l’on reconnaît une harpe et une vielle. Le thème des anges musiciens se développe, à partir du XIIIe siècle, avec le culte marial ; ces compagnons de la glorification de la Mère de Dieu gagnent peu à peu leur place dans les représentations du Christ en Majesté. On peut citer le retable de Fiesole peint par Fra Angelico vers 1430 où figurent des anges instrumentistes parmi les laudateurs. Jean Delumeau note dans son Histoire du paradis : «Le paradis est chant et musique car les anges ne cessent de louer le Dieu qu’ils contemplent.»