Le 20 février 1909, Le Figaro publiait le Manifeste du futurisme de Filippo Marinetti (1876-1944), présenté ainsi par le quotidien : Ce «jeune poète italien et français, au talent remarquable et fougueux […] vient de fonder l’école du “futurisme” dont les théories dépassent en hardiesse toutes celles des écoles antérieures ou contemporaines.» Ce même mois, il rassemble dans son mouvement les peintres Umberto Boccioni, Carlo Carrà, Luigi Russolo, de Milan, Giacomo Balla et Gino Severini. Ce dernier et Boccioni se connaissent depuis 1901, année de leur formation à l’Académie des beaux-arts, à Rome, où ils fréquentent l’atelier de Balla. Originaire de Reggio de Calabre, ayant grandi en Sicile, Boccioni séjourne en 1906 à Paris chez Severini, où il découvre le divisionnisme et l’œuvre de Cézanne. Installé à Milan, il peint des paysages et des portraits et débat avec Marinetti de la philosophie d’Henri Bergson (1859-1941), une des sources de la nouvelle «école du futurisme». 1910 est l’année charnière, celle où l’art de Boccioni se situe encore au milieu du gué ; le peintre poursuit à la fois la lignée postimpressionniste et les tentatives picturales dans un nouveau style. Ainsi de ce portrait d’une adolescente, rousse au teint clair, assise dans un fauteuil, l’air absent. Sa silhouette est nimbée de touches énergiques, l’enserrant comme dans une capsule. Rien ne vient distraire le regard du spectateur de la toute jeune fille, posant sagement. Même la palette de teintes froides à peine réchauffées du roux des cheveux et du rouge du fauteuil. Par ailleurs, il brosse La ville se lève et Émeute sous les arcades, où la composition semble déconstruite, agitée, violemment colorée. Et, théoricien du nouveau mouvement pour la peinture, il rédige et publie en avril-mai, avec notamment Balla, Carra et Severini, le Manifeste des peintres futuristes. Tournant le dos furieusement à la longue histoire artistique de l’Italie, le groupe veut entrer dans la modernité, par ce qu’elle a de prépondérant à leurs yeux : la vitesse, le dynamisme, la violence. Boccioni rejoint les principes énoncés par Bergson, qui pour la première fois dans l’histoire de la philosophie, considère que le temps le terme de durée serait plus approprié «est la vérité profonde des choses, qu’un courant de vie traverse toutes choses, comme l’explique François Azouvi, et les fait devenir, se transformer sans cesse, que l’immobilité et l’éternité ont moins de valeur que le mouvement et le temps». Boccioni proclame d’ailleurs dans son Manifeste : «Le geste que nous voulons reproduire sur la toile ne sera plus un instant fixé du dynamisme universel. […] En effet, tout bouge, tout court, tout se transforme rapidement.»