Comment «retrouver ses yeux d’enfant et décloisonner le regard» : tels sont les mots de Christophe Boulanger et Sabine Faupin, commissaires d’une exposition proposant de nous immerger dans un demi-siècle de création plastique et artistique, de l’aube des années 1920 à la fin de la décennie 1960. Décryptant certains pans du surréalisme, de l’art brut, de l’art naturel et de l’art magique, le parcours, chronologique, débute avec les séances hypnotiques et les expériences sur l’automatisme psychique décrites dans Les Champs magnétiques (1919) par Philippe Soupault et André Breton. On découvre ainsi les ramifications entre le surréalisme et une expression à part, notamment autour de L’Almanach de l’art brut (1948), un projet de publication souhaité par Breton et Jean Dubuffet mais qui resta à l’état de maquette – le second le jugeant trop coûteux et craignant surtout une emprise du surréalisme sur l’art qu’il défendait. L’empreinte de ces deux fortes personnalités plane encore sur l’exposition. Près de quatre cents œuvres et documents (périodiques, publications, photographies, affiches, films) brouillent les frontières et vont bien au-delà de l’utopie plastique et culturelle. La centaine d’artistes et écrivains, autodidactes ou non, présentés comme des pionniers de cette révolution du regard sur l’art, nous invitent à (re)découvrir leurs codes esthétiques et intellectuels. Au gré d’une douzaine de sections, on passe ainsi de l’«art des fous» ou art asilaire – Auguste Forestier, Aloïse Corbaz, Adolf Wölfli – aux trésors de la nature patiemment collectés par Ferdinand Cheval pour bâtir son palais, des envolées oniriques et poétiques notamment de Joan Miró, André Masson, Man Ray, aux figures de l’exil – Victor Brauner, Benjamin Péret, Claude Lévi-Strauss – embarquées pour New York en 1941, ou de l’ésotérisme aux arts africain et océanien. En cherchant l’or du temps, on plonge en réalité dans un grand bain de création et de rêve à l’état brut.