Exceptionnelle à plus d’un titre, cette exposition est le fruit de deux ans d’un travail qui ne l’est pas moins, effectué par l’historien Cédric de Veigy : la reconstitution des bandes de 270 pellicules utilisées par André Kertész (1894-1985) entre 1933 et 1936, puis dispersées pour être classées par thème. Exceptionnelle aussi parce que l’enjeu de la présentation n’est pas de montrer une sélection d’images, comme c’est le cas habituellement, mais au contraire de révéler la succession des vues réalisées lors d’une séance. L’idée est de pénétrer par ce biais les coulisses de la création, pour décrypter les intentions du photographe, qui a légué ses négatifs à l’État français en 1984. Le parcours propose donc des ensembles de séquences d’images tirées en format 10 x 15 cm et agencées de manière à faire comprendre comment leur auteur ajustait progressivement distance, cadre et angle de vue. Connu pour ses clichés en plongée, Kertész a en effet totalement revu sa pratique avec l’acquisition d’un Leica, appareil plus petit et maniable, qui l’a incité à déambuler dans les rues de Paris et à s’approcher de ses sujets. «C’est le premier photographe marcheur», explique Cédric de Veigy, auquel nous devons la tenue de cet événement. L’accrochage est aussi l’occasion de découvrir que, contrairement à son cadet Henri Cartier-Bresson, cet Américain d’origine hongroise n’était pas en quête du fameux «instant décisif». Présentée à Gentilly, l’exposition ira ensuite à Strasbourg, Lannion et Clermont- Ferrand, puis au musée de la Photographie de Charleroi, en Belgique.