Une chose sera absolument incontestable en ce mois d’octobre en Grande-Bretagne : la 13e édition du PAD London, deal or not deal, aura bien lieu ! Et ce ne sont pas les déclarations tonitruantes de Boris Johnson qui vont effrayer Patrick Perrin, le fondateur de la manifestation. «Je ne crois pas un seul instant que le Brexit affecte de quelque manière que ce soit les collectionneurs importants qui vivent dans les cinq quartiers centraux de Londres», affirme-t-il. Il ne semble d’ailleurs pas être le seul à le penser, puisque soixante-huit exposants nombre stable par rapport à 2018 le suivent dans cette nouvelle aventure : une grande majorité d’habitués, fidèles au label PAD quel que soit son port d’attache, et des entrants, douze précisément. Du 30 septembre au 6 octobre prochain, Berkeley Square affichera haut et clair des couleurs européennes, voire internationales.
Un vent de nouveauté chez les classiques
Le PAD a savamment construit sa réputation autour du design historique, aussi ce chapitre demeure-t-il le cœur de la manifestation. La qualité des participants n’est plus à écrire, tous faisant leurs preuves depuis de nombreuses années, parfois depuis plusieurs générations, sur les salons les plus courus. Un club select au sein duquel les Français sont les plus nombreux (dix-huit exposants sur vingt-quatre) , animé par les Gastou père et fils, Chahan, Jousse Entreprise, Chastel-Maréchal, Alain Marcelpoil et Marcilhac, entre autres références. L’historicité et la sélection toujours exigeante de la maison Dutko la placent parmi ces têtes d’affiche. Cette année, son stand sera agencé autour de meubles et de sculptures de Philippe Anthonioz et Bruno Romeda, accompagnés pour la première fois de peintures de Monique Frydman, qui seront ensuite accrochées aux cimaises de la galerie parisienne. Pour ce grand habitué du marché international, aucune angoisse quant au Brexit ; ses propos font écho à ceux de Patrick Perrin : «Nous sommes sur un marché très exclusif». Deux petits poucets y tentent une percée : Thomas Fritsch (Artrium) et Portuondo. Passé par les Puces, comme beaucoup de ses confrères talentueux, le premier a ouvert un espace à Saint-Germain-des-Prés ; défenseur de la céramique française des années 1950-1960, avec des pièces phares de Georges Jouve, Roger Capron, Jacques et Dani Ruelland, il est prêt ! «Le PAD London est un salon très demandé et il faut souvent postuler plusieurs années avant d’obtenir son ticket d’entrée. Pour cette édition, en raison du Brexit, certaines galeries ont été hésitantes sur leur participation. Une occasion que j’ai immédiatement saisie.» Pas d’inquiétude particulière, donc, chez ce jeune et néanmoins aguerri marchand, qui voit Londres comme une grande capitale, «lieu de passage obligatoire des voyageurs en Europe». Aux œuvres de ses poulains attitrés, il ajoutera un petit focus sur les créations de Suzanne Ramier pour l’atelier Madoura : «Le marché international pour les céramiques de Picasso étant déjà à Londres, ce nom n’est pas inconnu.» Les seconds entrants de la section afficheront une nouvelle fois leur passion pour les pièces des seventies, théâtralement mises en scène. Leur premier PAD Paris, en 2018, a été une réussite, et cette présence à Londres malgré un climat un peu anxiogène offre «l’opportunité d’intégrer l’un des meilleurs salons au monde dans notre spécialité et de se confronter au marché international». Ils y déclineront leur marque de fabrique, celle qui a fait mouche : un univers en blanc et noir avec des pièces iconiques de créateurs italiens et américains, au sein desquelles des sculptures métalliques de Jean-Claude Farhi trouveront naturellement leur place.
Envol de papillons
La joaillerie contemporaine se fait de plus en plus présente sur les éditions du PAD. L’arrivée de cinq nouveaux membres cette année porte leur nombre à treize décidément un chiffre d’actualité. Associant un dessin oriental aux meilleures techniques artisanales européennes, les créations un peu extravagantes d’Anna Hu basée aux États-Unis et en Chine ont fait sensation lors du PAD Monaco au printemps dernier ; elle tente cette fois l’aventure londonienne. Les bijoux des maisons Taffin, Fabio Salini, Boghossian et The Beautiful Watch, pour la haute horlogerie, brilleront à ses côtés, elles aussi pour la première fois. Le renforcement de cette offre signe la preuve d’une vraie demande. On peut associer à cette sélection couture les céramiques et les verreries aux finitions tout autant ciselées, choisies par Didier Luttenbacher, Achille Salvagni et Adrian Sassoon. Suisse, Italie, Monaco, Chine, États-Unis… une nouvelle fois, la carte internationale est avancée en atout.
Le meilleur du design contemporain
Dans la capitale britannique, le PAD soigne tout particulièrement sa facette design contemporain. Et pour ce faire, de nouveaux venus sont invités à décliner leurs talents nationaux. Après la grecque Veta Stefanidou Tsoukala et l’anglo-italien Achille Salvagni entrés en 2018, c’est au tour de la galerie américaine Todd Merril Studio de revenir, après une éclipse de quelques années et un virage réussi dans le contemporain. «Nous avons une grosse demande de galeries internationales, et cela est très stimulant de montrer leur vitalité», se réjouit Patrick Perrin. Le choix s’est arrêté sur l’espagnole Side Gallery et plus inattendu, mais preuve de l’internationalisation du design la sud-africaine Southern Guild. Fondée en 2008 par Trevyn et Julian McGowan, l’enseigne a été pionnière sur le continent africain, incitant «les artistes à créer des œuvres directement africaines, respectant les traditions, et pertinentes au niveau mondial par la recherche d’interprétations audacieuses». Depuis, elle a régulièrement fait ses preuves sur les grandes foires, Art Design Miami/Basel notamment. Toutes deux rejoignent une team désormais classique, et portent ainsi le nombre des exposants à vingt, le rapprochant de plus en plus de celui des marchands de design historique. Car, s’il s’agit toujours d’un marché de niche, il n’est plus regardé comme un ovni. Très porteur, il se présente avec davantage de galeries, de designers et de collectionneurs. Le décalage avec les prix de l’art contemporain tend à se réduire, et il n’est plus rare de croiser des pièces uniques à plusieurs centaines de milliers d’euros et des éditions limitées qui sont parfois épuisées en à peine une année. Carpenters Workshop en fait régulièrement l’heureuse expérience. Aucune hésitation sur l’opportunité de venir au PAD London : ils sont plusieurs à chanter d’une même voix que seule la capitale britannique leur offre ce trafic constant de millionnaires, certains résidant dans le très distingué quartier de Mayfair, de banquiers internationaux de l’«Establishment», de jeunes loups de la finance et de visiteurs venus des quatre coins du monde, «parce que Londres est et demeure incontournable». Pour cette clientèle riche et exigeante, il faut le meilleur. Alors, de Maria Wettergren, qui compte faire mouche cette fois encore avec ses designers nordiques Hanne Friis, Ane Lyckle, German Ermics & Iksos Berlin , à Nilufar et Ammann Gallery dont le tabouret Roots envoie un signal écologique et disruptif , en passant par Negropontes, à la rentrée très chargée (voir Interview page 15), tous sont en piste pour surprendre avec les réalisations de leurs poulains. Plus que jamais, cette année en octobre, Londres sera the place to be !