Le Sénat a adopté un premier projet de refonte donnant aux élus de la profession la majorité dans l’organisme de régulation des ventes aux enchères.
La refonte du Conseil des ventes a été actée par le Sénat, qui a adopté le 24 octobre la proposition de loi de la présidente de la commission culture, Catherine Morin-Desailly. Le projet, attribuant la majorité du nouvel organisme aux commissaires-priseurs, a recueilli le consensus de la haute assemblée. Même si ce vote précède une navette avec l’Assemblée nationale, où une proposition de loi différente a été déposée par un autre centriste, Sylvain Maillard, soutenu par La République en marche, la réforme franchit ainsi un premier pas significatif. Les deux projets diffèrent sur la distribution des sanctions, que le Sénat voudrait confier à une commission au sein du conseil et que les députés proposent de remettre plus simplement aux autorités judiciaires. Les deux textes reprennent néanmoins pour l’essentiel le rapport remis en décembre dernier à la garde des Sceaux par Henriette Chaubon et Édouard de Lamaze. Jean-Pierre Osenat, président du Symev (Syndicat des maisons de ventes volontaires), s’est du reste empressé de féliciter les sénateurs de leur «clairvoyance», pour avoir intégré des «amendements essentiels pour l’activité» de ses membres en levant d’éventuels «freins à la modernisation de la profession». Le calendrier n’est pas arrêté, mais la rédactrice du projet a exhorté les députés à se saisir «très bientôt» du texte pour répondre aux attentes d’une corporation confrontée à la concurrence internationale.
Élus et personnalités
Balançant entre régulation et représentation du secteur, la philosophie de cette restructuration est inscrite dans l’intitulé de la nouvelle instance, qui se nommerait «conseil des maisons de ventes». Un symbole est l’abandon dans le code du commerce de l’appellation, en effet passablement compliquée, d’«opérateur de ventes volontaires de biens meubles aux enchères», notablement simplifiée en «personnes», apportant ainsi une féminisation systématique des articles de loi subséquents. Aux missions déjà remplies par le conseil des ventes (élaboration de la déontologie, observation du marché ou formation) s’ajoutent ainsi un soutien aux activités de la profession et leur promotion, ainsi que l’examen des réclamations, la prévention et la conciliation des différends. Le nouveau collège serait composé de onze membres, dotés d’un mandat de quatre ans renouvelable, dont «six représentants des professionnels élus», également répartis entre Ile-de-France et province, par souci de «préserver le maillage territorial», selon les mots de la ministre. Le gouvernement ne serait pas directement représenté, mais il désignerait cinq «personnalités qualifiées» (trois nommées par la garde des Sceaux, une par le ministre de la Culture et une par celui chargé du Commerce). Tout en apportant son soutien au texte, Nicole Belloubet a cependant tenu à un rééquilibrage, en réservant la présidence du conseil à l’une de ces personnalités indépendantes. Elle a ainsi, tenu lors du débat en séance nocturne, à mettre en garde contre la tentation d’«en faire un ordre professionnel». Pour autant, «la suppression de cette autorité, nous dit sa porte-parole Agnès Thibault-Lecuivre, ne serait pas justifiée», car, en ménageant «la protection des usagers et la compétitivité du secteur», elle représente «un gage de crédibilité et de confiance» qui fait l’originalité du marché de l’art français.
Adaptation à l’Europe
Le texte encadre néanmoins strictement les sanctions éventuelles, qui vont de l’avertissement à l’interdiction d’exercer. Il prévoit surtout des sanctions pécuniaires, mais sans pouvoir «excéder 3% du montant des honoraires perçus l’année précédente» ou, à défaut d’activité, 50 000€. Les manquements seraient prescrits au bout de trois ans à compter de la faute commise. Formée par la garde des Sceaux, la commission disciplinaire serait composée d’un professionnel ayant cessé son activité depuis au moins cinq ans, ainsi que d’un membre du Conseil d’État et d’un autre du Conseil constitutionnel, actifs ou à la retraite. Il lui reviendrait aussi de composer une commission censée instruire les différends et promouvoir des règlements à l’amiable, avec un magistrat et un ancien commissaire-priseur. Ces précautions sont rendues obligatoires par une directive européenne qui ne permet pas à des membres d’une profession de prendre des sanctions à l’égard de leurs propres concurrents. De même, le gouvernement a introduit un amendement spécifiant les critères autorisant les «professionnels qualifiés» de l’Union européenne à exercer en France, afin de se mettre en règle suite à une mise en demeure redoublée récemment par un avis motivé de la Commission. Parmi les amendements qui ont dû faire plaisir au Symev figure l’élargissement de la compétence des maisons de ventes aux inventaires de succession pour motifs fiscaux. D’autre part, le texte a rendu facultative la publication dans la presse des sanctions prises à l’égard des fautifs, qui était automatique dans la première mouture. Tout un symbole.