Arcadie Lochakow, artiste rare
Exceptions faites de quelques paysages, les œuvres d’Arcadie Lochakow sont rares sur le marché. Rien d’étonnant donc à ce que cette toile figure parmi les plus convoitées d’une vente consacrée à l’école de Paris.

Estimation : 10 000/15 000 €
Position des mains, dont l’une tient une marguerite tandis que l’autre enserre le visage d’une femme apparaissant tel un masque, col et cravate ostensiblement suspendus, statuette d’art primitif au large sourire, tableau ou miroir vu à demi, ce double portrait est aussi étonnant que mystérieux. L’histoire ne dit pas qui, du modèle ou du peintre, choisit une telle mise en scène privilégiant les lignes verticales. Né à Argeiev en Bessarabie, passé par les beaux-arts d’Odessa, Arcadie Lochakow arrive à Paris en 1920, en compagnie de son ami le poète David Knout, le modèle de ce tableau. Les deux amis partagent une chambre d’hôtel. Arcadie peint et travaille dans un atelier de photographie lui assurant un revenu. De 1922 à 1938, aux Salons d’automne et des indépendants, puis de 1927 à 1936 à celui des tuileries, il expose de nombreux portraits, des paysages, des natures mortes et des bois gravés. Notre toile, réalisée en 1923, est montrée la même année au Salon des indépendants. Elle le sera à nouveau en 1934. Poète et journaliste de langue russe, David Knout (1900-1955), Douvid Meierovitch Fixman de son vrai nom, originaire d’Orhei en Bessarabie, émigre en France avec sa famille et adopte le pseudonyme de Knout, nom de sa mère. Il publie avec succès dans de nombreuses revues de l’émigration russe, lance la sienne avec Nina Berberova et Iouri Terapiano, La Nouvelle Maison, dont trois numéros paraîtront. En 1925, il participe à l’Union des jeunes poètes, qui vient en aide aux hommes de lettres russes en exil à Paris. Durant la Seconde Guerre mondiale, Knout crée avec son épouse Ariane (1906-1944) – fille du compositeur Alexandre Scriabine –, l’organisation secrète la Main forte, mouvement de résistance qui deviendra l’Armée juive, organisant le passage en Espagne de nombreux juifs, fournissant des faux-papiers et participant aux combats de la Libération. Lochakow a représenté le poète baissant les yeux sur une marguerite, symbole de jeunesse, d’innocence et de fidélité…